Ma vie était juste devenue un grand n'importe quoi.
Il ne s’agirait ni de baise et certainement pas d’amour. Il s’agirait juste de perforer une membrane qui m’avait hantée et pourri la vie pendant des années. Cela dit (et de la plus crue des manières) il était évident que, romantiques comme elles l’étaient, Claire et Mag n’auraient jamais pu comprendre ma façon de voir les choses ! Voilà pourquoi l’argument qui consistait à attendre jusqu’au mariage avait été un très bon compromis quand, le temps passant, elles avaient commencé à me solliciter sur la question. À présent que mon choix était arrêté, toute cette comédie allait enfin pouvoir se terminer et c’était tant mieux pour tout le monde.
En réalité, le fait d’avoir fait croire à mes proches que j’allais attendre jusqu’au mariage pour perdre ma virginité était une façon pour moi d’éviter qu’on en parle trop souvent et surtout d’empêcher que les filles me présentent des garçons à tour de bras. De fait, je voulais m’occuper de ça moi-même. Sans état d’âme, mais aussi et surtout sans sentiment amoureux.
Elle m’attirait. C’était physique. Malgré ma proximité grandissante, elle ne bougea pas et ne répondit rien, se contentant de baisser la tête comme pour échapper à mon regard braqué sur elle. En dépit de sa gêne à peine voilée, je parvins non sans peine à entendre ses battements de cœur s’accélérer et à entrevoir ses joues rosirent.
J’avais bu. Beaucoup bu. Plus que de raison. Encore une fois. Mila, elle, semblait plus ailleurs que vraiment soûle. Comme absorbée ou en train de planer. Difficile à dire. Mais qu’avait bien pu mettre Thomas dans ce fichu verre ? On aurait dit de la drogue ? Pas de la drogue, quand même !
Sans parler de son sourire radieux tout aussi impossible à éviter quand elle arrivait à neuf heures précise dans le hall en saluant toujours très chaleureusement la secrétaire de l’accueil. Car oui, Mila souriait. Elle transpirait le bonheur, même ! Alors que moi.
Inutile de dire que pour éviter de penser à l’éventualité qu’elle puisse sortir avec un autre et me torturer l’esprit je préférais, pour ne pas changer, me noyer dans le boulot et m’exiler le plus loin possible de l’hôpital à la moindre occasion.
Mon comportement de l’époque avait été au summum de l’abomination, à tel point que le peu de mon esprit qui était resté sain ne désirait toujours pas faire remonter une telle bassesse à la surface.
À quoi bon ?
C’était terminé entre nous. Absolument et définitivement terminé. Dès l’instant où ces mots infâmes avaient franchi ma bouche, j’avais deviné ce que Mila projetait de faire. Malgré le désespoir qui se lisait très clairement dans ses magnifiques yeux bleus, elle s’était rapidement dirigée vers moi et, sans trembler le moins du monde, m’avait asséné la claque la plus hallucinante de tous les temps. La plus haineuse aussi.
À partir de maintenant, c’est bel et bien terminé entre nous. C’est fini pour toujours. Et je ne veux plus jamais… plus jamais, entendre parler de toi. C’est compris ? conclus-je le plus distinctement possible malgré les larmes qui maculaient mon visage.
Humiliée et attristée, je me retournai en le laissant planté là,telle l’ignoble créature qu’il était, puis courus le plus rapidement possible en direction de la sortie. Au moment d’ouvrir les portes battantes, la musique provenant de la boîte de nuit quelques mètres plus loin retentit à tout rompre.
Cependant, au vu de ta réaction après le baiser qu’on vient d’échanger, force est de constater que je me suis trompé sur ce que tu ressens pour moi. Au resto, tu as avoué que je te plaisais, et j’ai cru que...