Laurence Gantois-Domange

En face du "Monoprix" , la grande quincaillerie "Weber" , immense bâtiment à deux étages s'organisait autour de galeries, de fer qui dans mon imagination dataient d'Eiffel. La gare de Verdun avait été créée par I'architecte révolutionnaire, alors pourquoi pas le magasin Weber ? Mais c'était une erreur, elle existait bien avant. La façade donnait sur la rue Mazel et à l'arrière sur la Meuse. Un monde! Les vendeurs en blouse bleue émergeaient de rangées de tiroirs où étaient classés par taille et poids toutes sortes de vis, de clous et de pointes. Une petite balance était posée sur chaque rayon. De l'autre côté, toujours au rez-de-chaussée, de superbes cocotes en fonte de couleur, rangées par taille, annoncaient le rayon cuisine un peu moins austère. Passons sur les armoires de couteaux et d'ustensiles multiples. Au premier étage s'alignaient les machines à laver et les cuisinières. C'est M. Weber en personne qui accueillait le client mais il avait la réputation d'être peu bavard. Les éventuels acheteurs préféraient aller chez "Petit Roger" , à deux cents mètres, où une commerçante nouvelle génération emballait l'acheteur éventuel avec brio ! Revenons dans la grande quincaillerie... Parfois, la propriétaire du lieu, ombre furtive qui en hiver portait un vison pour déambuler dans le magasin, s'approchait comme pour s'excuser d'interrompre notre promenade dans le passé. Si enfin nous avions trouvé notre bonheur, nous passions à la caisse, où, juchée sur une estrade, Madame Weber tamponnait la fiche remplie auparavant par le vendeur en bleu. Ensuite, elle recopiait scrupuleusement le montant de la facture dans le grand livre de comptes puis agrafait le chèque. On ne connaissait pas le mot stress en ce temps-là. Nous assistions à la scène, médusées. On était dans un vieux film en noir et blanc.