Pas une seconde, il ne pouvait imaginer ce qu'Ivan avait vécu.
Comment aurait-elle pu lui dire : "C'est mon frère qui a écrit ce livre. Il est mort, il était homosexuel, malade, dépressif...".
Elle n'était pas dupe. Elle savait bien comment il aurait réagi. La plupart des gens étaient comme ses parents : l'homosexualité, la maladie leur faisaient peur, leur répugnaient. Les mots horribles qu'avait jetés son père à Ivan résonnaient dans sa tête : "Dépravé, dégénéré, débauché, vicieux, dénaturé, pervers..." Elle frissonna, pleine de dégoût. Elle refusait de livrer en pâture la vie intime de son frère.
Raphaël Sannier, surnommé "Docteur One Night", travaillait au service de neurologie, qui se trouvait juste à l'étage en-dessous. Ses allusions salaces et son coeur d'artichaut étaient célèbres dans tout l'hôpital. Il avait fait pratiquement autant de dégâts parmi la gent féminine de l'hôpital qu'une épidémie de grippe espagnole.