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Critiques de Laurent Balandras (4)
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L'Intégrale Nougaro: L'histoire de toutes ses..

Un petite excursion dans le monde de la chanson française, et une chronique suite à la relecture de ce livre acheté lors de sa sortie en 2014.



Au delà des figures tutélaires que sont pour moi, d'abord Trenet, puis la triade mythique Brassens-Brel-Ferré, et l'unique Barbara, il y a dans mon panthéon de la chanson, aux premières places, Nougaro, Gainsbourg et Aznavour.



Nougaro, si cher à mon coeur, dont j'ai quasiment tous les disques, d'abord vinyles puis CD, et que j'ai vu et écouté en concert à plusieurs reprises, notamment dans cette période merveilleuse où il tournait avec Eddy Louiss et Maurice Vander.

Nougaro, dont j'aime tant la poésie, l'approche complexe faite de noirceur déchirante et « d'espérance en l'homme » titre de l'une de ses dernières chansons, parue dans l'album posthume La note Bleue.



Laurent Balandras qui fut producteur pour Universal Music, puis a créé en 2007 sa propre maison d'édition, est l'auteur de livres passionnants consacrés à Mouloudji, Coluche, Gainsbourg (dont un dédié à l'histoire de la Marseillaise du grand Serge), un livre très méchant sur Pascal Sevran, etc… et donc plusieurs dédiés à Nougaro.



Et dans celui-ci, on y retrouve, par ordre chronologique, les circonstances de création de 400 chansons.

Ce qui fait la qualité, à mon avis, de cette anthologie, c'est qu'elle ne se limite pas à l'anecdote croustillante, telles que peuvent le faire certaines biographies.

On y découvre, au delà de la passion connue de Nougaro pour le jazz, les musiques brésilienne et africaine, ses influences littéraires, de Jacques Audiberti rencontré par le tout jeune Claude à Paris et qui fut en quelque sorte son père spirituel, lui conseillant de suivre le chemin de la chanson qui semblait pour lui le moyen nouveau de renouveler la poésie. Mais aussi les grands poètes du 19ème siècle, en premier de tout Baudelaire.

Aussi le refus de l'engagement ou de la récupération politiques, par exemple après le succès de Bidonville ou de Paris Mai. En cela proche de Brassens ou de Brel.



Ce qui est passionnant, c'est que le livre nous fait découvrir le chemin si difficile qu'a du parcourir Claude Nougaro pour parvenir au succès, comme tant d'autres, Brassens, Brel, Gainsbourg, Aznavour. Et une liste d'échecs ou de demi succès de 1954 à 1962.



Et dans ce chemin, les amis, certains qui deviendront célèbres tel Michel Legrand, les vedettes bienveillantes et protectrices, Marcel Amont, Henri Salvador, qui préfacera son premier 45 tours, ou même Boris Vian et Edith Piaf, qui mourra avant que la collaboration puisse se concrétiser. Et puis celles avec qui la collaboration sera moins facile, et dont je tairai le nom.



Le livre donne un éclairage précieux sur des chansons peu connues créées entre 1954 et l'éclosion de la notoriété, qui n'arrive vraiment qu'en 1962, avec des titres comme le Jazz et la Java, Une petite fille, Les Don Juans…



A partir de 1962, l'auteur nous cite, presque pour chaque année, un nouveau bouquet de chansons restées si célèbres, comme la mythique chanson Toulouse de 1967. De celle-ci ci, on apprend que le producteur de l'époque n'en voulait pas, surtout parce qu'il pensait qu'une ville de province ne méritait pas un tel honneur, réaction parisienne typique. Mais la suite prouvera qu'il s'était bien trompé, (comme ce fut le cas pour beaucoup de succès d'autres artistes, et dans tous les domaines).



Le livre de Laurent Balandras tient à la fois de l'album de souvenirs, fait de tant de collaborations fructueuses avec tant d'artistes, de tant rencontres humaines (ainsi pour ne citer que celle-là, l'hébergement, durant la création des chansons de l'album Nougayork, de Claude Nougaro et sa compagne Hélène dans l'appartement de la charismatique Sue Mingus, la veuve du génial contrebassiste et compositeur Charles Mingus), mais aussi nous donne un éclairage sur le processus créatif, les doutes du chanteur.



En conclusion, un livre original, qui fera, bien entendu, les délices de celles et ceux qui aiment Nougaro, et les aidera à mieux cerner la personnalité riche et complexe de cette grande figure de la chanson française, mais dont je rêve qu'il puisse, pour les autres, être une invitation à le découvrir.
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Gainsbourg, le génie sinon rien

Deux parutions sur sur Gainsbourg qui nous a quitté le 2 mars 1991.On fêtera donc bientôt les 25 ans de sa disparition et à cette occasion, plusieurs publications commencent à paraitre.



Gainsbourg reste aujourd’hui la figure de proue marginale d’une tradition musicale irrévérencieuse, qui arpente la langue comme un formidable terrain de jeu.

Pousser Gainsbourg dans ses retranchements, en se méfiant de la mythologie, débusquer les intrications de la biographie, passionnante, et de l’œuvre, protéiforme, interroger les références (littéraires, musicales et cinématographiques) et les représentations, observer les chansons rattraper la vie ou la vie se cristalliser dans l’œuvre…

Tel est le contrechamp adopté dans ce livre, qui nous invite ici à revisiter le répertoire de l’auteur de Je t’aime moi non plus, par le biais de documents rares, puisés dans les archives familiales ou personnelles de l’artiste.



Ce texte a été publié la première fois en 2005 dans la collection Passion. Il s’agit ici d’une nouvelle édition, en quadrichromie, avec une nouvelle sélection iconographique, une préface de Laurent Balandras et des documents exclusifs confiés par la famille, de la Russie des parents de Serge jusqu’aux dessins de Charlotte, des photographies de famille prises dans l’intimité aux manuscrits de l’œuvre.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La Marseillaise de Serge Gainsbourg

"Je suis un insoumis et qui a redonné La Marseillaise son sens initial ! Et je vous demanderai de la chanter avec moi !"

La scène se passe le 4 janvier 1980 à Strasbourg, dans le cadre d’un concert de Serge Gainsbourg, concert qui, du reste, n’aura jamais lieu. L’essai de Laurent Balandras, La Marseillaise de Serge Gainsbourg, Anatomie d’un Scandale (éd. Textuel) s’ouvre sur ce moment phare de l’histoire de la chanson française, coup de tonnerre médiatique autant que virage artistique dans la carrière de l’homme à tête de chou.

L’essai de Laurent Balandras est exemplaire à bien des égards. En retraçant le contexte de La Marseillaise version reggae de Gainsbourg (et intitulée Aux Armes et cætera), il ausculte les tenants et les aboutissants d’un scandale qui dépasse largement le simple contexte musical.

En janvier 1979, Serge Gainsbourg, toujours en quête de renouvellement musical, enregistre en quelques jours à la Jamaïque l'album Aux Armes et cætera. L’auteur d’Initials BB a, par le passé, puisé son inspiration dans le jazz, les percussions africaines, la pop anglaise ou le rock. Cette fois, c’est sur le reggae que Gainsbourg jette son dévolu, convaincu par son directeur artistique Philippe Lerichomme après l’écoute de la première version de Marilou Reggae dans l’album L’Homme à Tête de Chou (1976). Parmi les 12 titres enregistrés figure cette fameuse Marseillaise revisitée dans un style reggae, "un chant révolutionnaire sur une musique révolutionnaire" comme l’expliquera inlassablement le chanteur en pleine tourmente.

L’album Aux Armes et cætera sort le 13 mars 1979. Le scandale éclate moins de trois mois plus tard lorsque le futur académicien Michel Droit publie dans Le Figaro Magazine une violente tribune contre "l’outrage à l’hymne national" que constitue cette Marseillaise reggae : "un rythme et une maladie vaguement caraïbe… à l’arrière-plan, un chœur de nymphettes émettant des onomatopées totalement inintelligibles… et au ras du micro, d’une voix mourante, exhalant comme on ferait des bulles dans de l’eau sale, des paroles empruntées à celles de … La Marseillaise." L’ancien résistant va plus loin en s’attaquant à l’artiste : "œil chassieux, barbe de trois jours, lippe dégoulinante… débraillé… crado…" La charge de Michel Droit atteint des sommets lorsqu’il considère qu’en adaptant La Marseillaise à des fins mercantiles ("en tirer profit aux guichets de la Sacem"), l’initiative du chanteur porte "un mauvais coup dans le dos de ses coreligionnaires". Autrement dit, par son acte "provocateur" contre l’hymne national, Serge Gainsbourg est accusé de favoriser l’antisémitisme… en raison de ses origines juives. Cet article donne le départ d'un scandale si brutal que Gainsbourg en restera définitivement meurtri.

Relatant cette affaire, Laurent Balandras ne se contente pas de dresser l’historique de ce qui n’était au départ qu’une adaptation moderne - et exotique - de l’œuvre de Rouget de Lisle. Il retrace aussi en quelques pages l’enfance du petit Lucien Ginsburg, fils d’immigrés russes et de culture juive. Il rappelle que, né en 1926, le futur Serge Gainsbourg a été élevé dans l’amour de la culture française, dans une famille laïque, naturalisée et amoureuse de son pays d’adoption. Musicien très jeune, pianiste classique, il échappe de peu à la déportation comme d’ailleurs ses parents et ses sœurs. Un véritable traumatisme, comme le rappelle Laurent Balandras et qui resurgira en 1979 à la faveur d’un article haineux écrit par l'ancien résistant Michel Droit.

Cet essai sur La Marseillaise de Gainsbourg abandonne le chanteur le temps d’un chapitre pour s’intéresser à l’histoire de l’hymne national. Il se nommait à l’origine Le Chant de l’Armée du Rhin, et a été composé en avril 1792 à Strasbourg (et oui !) par Claude Joseph Rouget de Lisle, modeste officier et musicien amateur. Un chant révolutionnaire donc, comme le rappellera Serge Gainsbourg deux siècles plus tard. Laurent Balandras rappelle l’histoire tumultueuse de ce chant patriotique qui est devenu un hymne national après pas mal de déboires… et d’adaptations, jusqu'à la version de Gainsbourg, Aux Armes et cætera.

Au sujet de ce titre, le chanteur rappellera qu’il respecte un manuscrit original de Rouget de Lisle. Laurent Balandras nuance cependant ses propos : "Les paroles reproduites dans le Larousse contiennent cette indication afin de ne pas réécrire sempiternellement le refrain. C’est presque vrai à cette nuance que la mention exacte est Aux armes, citoyens… etc."

L’album reggae de Gainsbourg, vendu à plus d’un million d’exemplaire, est un succès inédit pour le musicien. À 50 ans, l’auteur de La Chanson de Prévert ou de L’Eau à la Bouche devient un artiste populaire, adoré par la jeunesse et considéré avec respect par la profession. Le jour de gloire est arrivé, donc. Cependant, "la fête est brutalement gâchée par l’article scandaleux de Michel Droit." Serge Gainsbourg conservera toute sa vie dans ses archives les pièces qui ont constitué ce scandale de La Marseillaise "jamaïcaine" : lettres d’injures ou de soutiens, coupures de presse, photographies, télégrammes. La reproduction de quelques-unes de ces pièces à conviction constitue l’une des grandes richesses de l’ouvrage de Laurent Balandras. Elles illustrent à elles seules le degré de violence contre l’artiste, empêché à plusieurs reprises de se produire sur scène, ce qui ne l’empêchera pas de partir à la rencontre de son public. Mais c’est un homme blessé qui sort de cette épreuve : "Si les attaques de Michel Droit ont meurtri Gainsbourg, l’affront de Strasbourg l’a anéanti… Certes, il se doutait bien qu’une Marseillaise en reggae allait défriser quelques implants mais de là à menacer physiquement des saltimbanques…"

À partir de 1980, Serge Gainsbourg endosse un nouveau costume et se mue en Gainsbarre, son "double monstrueux" et provocateur, désinhibé, dépressif et (faussement?) alcoolisé. Sa vie privée est chambardée. Il quitte sa muse Jane Birkin, fréquente un temps Catherine Deneuve, avant de rencontrer sa dernière compagne, Bambou : Ecce homo, comme le dit la chanson phare de son album suivant Mauvaises Nouvelles des Étoiles (1981).

Mais l’ultime pied de nez de ce scandale, sur fond de patriotisme antisémite, viendra le 13 décembre 1981. Ce jour-là, contre vents et marées, Serge Gainsbourg achète pour 135 000 francs un manuscrit autographe de La Marseillaise rédigée en 1833 par Rouget de Lisle. Il racontera ainsi son retour de la salle des ventes, avec cette pièce historique : "Le retour de Versailles fut grandiose. J’étais accompagné par Phify, garde du corps, videur au Palace, d’origine polonaise. Il y avait Bambou, ma petite amie, une Niak. Moi, je suis russe, juif et la voiture c’était une Chevrolet, une américaine ! Et sur la banquette arrière, y’avait le manuscrit original de La Marseillaise ! Étonnant !"
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Gainsbourg, le génie sinon rien

Dans la littérature gainsbourienne, il y a bien sûr la biographie de référence de Gilles Verlant, Gainsbourg (Albin Michel, 2000). En cette année de commémoration des 25 ans de la mort du chanteur, un autre ouvrage sort indéniablement du lot : Gainsbourg, le Génie sinon Rien de Christophe Marchand-Kiss (éd. Textuel, 2015), préfacé par Laurent Balandras que j'ai chroniqué il y a peu pour son essai sur Gainsbourg et La Marseillaise.

C'est d'abord un très bel objet qui est proposé, à savoir 239 pages consacrées à l'artiste, à sa carrière, avec des illustrations en nombre : des photographies rares (celle de sa première femme Elisabeth Levitsky, une photo de groupe de 1959 avec Serge Gainsbourg, Jacques Dufilho, Denise Benoît et Marcel Amont lors d'une remise de prix de l'Académie Charles-Cros ou des clichés pris avec Jane Birkin à la fin des années 60), des reproductions de textes et de compositions de la main de Serge Gainsbourg, des documents administratifs et privés (des relevés de notes du petit Lucien Ginsburg, une carte d'alimentation de 1949 ou une fiche professionnelle de la SACD), des clichés intimes avec Jane Birkin, Bambou et Charlotte Gainsbourg, des témoignages de ses proches (un émouvant dessin de Charlotte représentant son père "avec les rastas") et des centaines d'autres souvenirs de la carrière exceptionnelle de l'homme à tête de chou, des Trois Baudets au Palace en passant par la Jamaïque. Sans oublier la littérature et le cinéma où Gainsbourg a été prolifique comme acteur (quoique sous-employé, dit l'auteur), réalisateur et surtout auteur d'innombrables bandes originales de films.

L'essai illustré de Christophe Marchand-Kiss retrace plus de 35 années d'une carrière chaotique marquée par la recherche musicale permanente, une ambition artistique sans faille, un génie incandescent et une rigueur indéniable qui a pu être cachée par un personnage cynique et excessif vers la fin de sa vie.

Une biographie de plus sur un musicien que l'on aime ou que l'on aime détester ? Bien plus : il s'agit d'une passionnante plongée dans la vie comme dans l'oeuvre de Serge Gainsbourg, car "toute vie est digne d'intérêt – même la plus intime" dit l'auteur en préambule.

Une cinquantaine de pages de l'ouvrage sont consacrées au petit Lucien Ginsburg, fils d'immigrés juifs russes. Avec un père pianiste, ayant joué notamment dans une boîte intitulée Les Enfants de la Chance (Gainsbourg saura s'en souvenir en 1987 pour l'une de ses dernières chansons), le destin semblait tout tracé pour cet enfant de la balle. Ce sera sans compter les coups durs, la seconde guerre mondiale, et aussi la part de chance qui permettra au petit Lucien ainsi qu'à sa famille – d'origine juive – d'échapper aux rafles allemandes.

Au milieu des années 40, le jeune homme se voit artiste peintre. Il étudie à l'académie Montmartre, est influencé par les l'impressionnisme mais la musique reste une option qu'il finira par adopter au point d'avoir détruit presque toutes ses oeuvres picturales. À ce sujet le lecteur pourra découvrir dans le livre de Christophe Marchand-Kiss un autoportrait de Lucien Ginsburg. Une rareté.

L'intérêt principal de cette biographie réside dans l'auscultation d'un musicien ayant connu mille et une mues : chanteur de cabaret à ses débuts côtoyant Boris Vian, Juliette Gréco ou Guy Béart, parolier hors-pair (Le "Poinçonneur des Lilas", "L'Eau à la Bouche" ou "Mes Petites Odalisques"), expérimentateur pugnace durant les années 60 lorsqu'il s'inspire du jazz américain ("Black Trombonne"), qu'il utilise des percussions africaines ("New York USA") ou lorsqu'il adopte les courants easy listening ou le yé-yé ("Chez les yé-yé").

En 1962 sort La Javanaise. C'est l'occasion pour Christophe Marchand-Kiss de s'arrêter sur cette chanson mythique, pas si anodine que cela. Il en fait une étude de texte brillante et d'une rare pertinence : "La Javanaise est une dilution brutale, presque instantanée, de l'amour… d'une grande violence… Il y a aussi sa déroute et le suicide, simplement suggéré…" C'est une analyse remarquable d'une des plus belles chansons du répertoire français qui vaut à elle seule la lecture de cette biographie !

L'auteur ne passe pas sous silence les relations passionnées qu'il a entretenues avec quelques unes de ses muses, dont Brigitte Bardot. Sa relation brève mais passionnée lui inspira "Initials B.B.", "Bonnie and Clyde" et surtout "Je t'aime moi non plus" que le chanteur avait composé pour elle. Christophe Marchand-Kiss évoque les autres interprètes féminines des chansons de Gainsbourg : de Françoise Hardy à Isabelle Adjani, en passant par Régine et Bambou.

Deux longues parties du livre sont consacrées à la femme qui a partagé sa vie et qui lui a permis d'écrire quelques-unes de ses plus belles chansons : Jane Birkin. Dans le chapitre consacré au titre Jane B., Christophe Marchand-Kiss s'empare des paroles – "Signalement : / Yeux bleus / Cheveux châtains, Jane B / Anglaise / de sexe / Féminin" – pour les revisiter et écrire une magnifique déclaration d'amour.

Christophe Marchand-Kiss déniche un autre exemple des talents d'auteur de Gainsbourg. Il s'arrête sur "Ford Mustang", écrite en 1968 après un très long travail à la fois linguistique et sonore autour du français et de l'anglais : "Ce qu'obtient Gainsbourg n'est pas une autre langue : il même deux langues sans les confondre… Ce n'est pas non plus tout à fait du franglais, car le jargon que que ce mot prétend recouvrir n'existe pas. Des mots depuis le Moyen Âge passent d'une langue à une autre, voilà tout." le livre reproduit un dépliant en anglais sur la Ford Mustang, dépliant que l'artiste a annoté, traduit et transcrit en sonorités, avant d'écrire les paroles d'une chanson plus expérimentale qu'il n'y paraît.

Le Gainsbourg explorateur musical se confirme durant les années 70 et 80, avec quelques concepts marquants. "Histoire de Meldy Nelson" (1971) est "une hallucination. Un égarement dans les méandres complexes du fantasme", véritable "poème symphonique de l'âge pop". Rock round the Bunker, sorti quatre ans plus tard, est la revanche de l'ancien petit Lucien pourchassé par les cohortes nazies et par l'État français : un album noir, sarcastique et vengeur. "Reste l'étoile jaune. La Yellow Star... Distanciation. Retour sur soir."

Ce retour à l'actualité et à l'autobiographie c'est un autre concept-album, L'Homme à Tête de Chou ("Marilou sous la Neige", "Variations sur Marilou"), sorti en 1976.

Gainsbourg a emprunté des chemins musicaux aussi variés que la chanson française traditionnelle, la pop anglaise, le rock, les rythmes latinos ou les percussions africaines. le voilà qui s'aventure en 1979 avec le reggae et son album qui marque un virage dans sa carrière. J'avais parlé sur ce blog du scandale de la Marseillaise jamaïcaine, Aux Armes et caetera. C'est peu de dire que cet album a été un véritable coup de tonnerre médiatique. Devenu immensément populaire, Gainsbourg voit aussi sa vie privée chamboulée : divorce avec Jane Birkin, dépression, création de son personnage Gainsbarre, fumeur, buveur et provocateur. L'homme fascine autant qu'il exaspère. Ses prestations télévisées avec Catherine Ringer, Whitney Houston ("I want to fuck you") ou ce célèbre billet de 500 francs brûlé devant les caméras deviennent mythiques.

Trois disques viendront clôturer une carrière exceptionnelle : Mauvaises Nouvelles des Etoiles et surtout Love on the Beat (voir l'article qui est consacré "Il n'y a pas que la beat dans la vie") et You're under Arrest, deux albums funks montrant qu'à 60 ans l'artiste n'a pas fini d'arpenter de nouveaux univers musicaux. L'artiste se permet encore de faire chanter et danser la jeunesse de son pays sur Mon Légionnaire et sur Aux Enfants de la Chance, "réminiscence d'un nom de cabaret où son père travailla avant guerre."

Avant de mourir le 2 mars 1991, l'homme aura pu éditer une intégrale de ses chansons (1989) et entrer dans le Larousse encyclopédique : "Doué d'un humour grinçant et subtil, il a su imposer au public un personnage de désinvolte désenchanté et sardonique qui cache une très vive sensibilité." Un artiste qui a accompagné et la société et la culture française sans renier ses exigences. Un enfant de la chance.
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