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Critiques de Laurent Gerbier (90)
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Discours de la servitude volontaire

Un texte court mais fort intéressant et actuel ! Tout le monde devrait le lire pour prendre conscience que, finalement, nous sommes tous des êtres plus ou moins esclaves (mais aussi nos propres esclavagistes). Un style fluide, compréhensible et des exemples croustillants. Trois mots : à lire urgemment.
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Discours de la servitude volontaire

"Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres." Qui ne connait pas cette fameuse citation d'Etienne de La Boétie, figure humaniste majeure du 16ème siècle ? Deux siècles plus tard, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen entérinera ces propos dans son premier article: "Les hommes naissent et demeurent égaux et libres en droit."

Encore deux siècles plus tard, La Boétie est toujours d'actualité. La liberté, la vraie, est toujours un enjeu pour les peuples, une lutte coriace et continue. Le véritable citoyen se doit de la défendre et déjouer les pièges de la servitude.



Courant après le prestige, les mondanités, les biens matériels, les hommes se laissent assujettir. Souvent contraints par un tiers mais toujours trompés par eux mêmes. On s'habitue, on se complait dans la servitude. C'est le choix de la facilité. On arrive même à oublier le gout de la liberté. L'habitude et l'éducation tordent nos inclinations naturelles. On pense bien évidemment à cette école et ces "grands corps" qui forment, ou plutôt déforment, aujourd'hui des petits rouages destinés à alimenter la grande machine.



"La nature de l'Homme est d'être indépendant et de vouloir le rester, mais elle est aussi de prendre naturellement le pli que lui a donné l'éducation.".



L'Homme sait justifier sa servitude, s'arrange avec sa conscience mais l'Homme avide de connaissances, l'Homme qui lit, réfléchit et agit tend vers cette liberté, ne serait ce qu'en esprit et par cela même ne peut se contenter de servir. Cet Homme est un Homme révolté. D'un autre coté, si les tyrans détiennent un semblant de pouvoir, ils ne peuvent véritablement connaitre l'amitié, la joie d'épancher son cœur, se confier. Ils ont troqué leur domination contre leur humanité.



Plus qu'une lecture enrichissante, ce discours est une véritable ode à la liberté, à la joie de résister, de combattre, à l'ardeur et au courage, à l'honneur et à la vraie gloire !







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Discours de la servitude volontaire

Ce cours texte écrit par LA BOETIE à l'âge de 18 ans (alors qu'il n'était encore ni magistrat au Parlement de Bordeaux, ni ami avec Montaigne) frappe le lecteur moderne pour plusieurs raisons.

D'abord et en premier lieu pour son propos subversif et sa défense de la liberté qu'il place en tête de toutes les valeurs pour lesquelles on peut risquer sa vie.

Fortement indigné par l'instauration d'un impot sur le sel, la gabelle, qui ruine les petits producteurs, et par la répression royale face à la révolte populaire, il condamne la servitude à laquelle les hommes consentent ce qui mène les tyrans à diriger le monde.et ce brûlot laisse dans son sillage un petit goût d'anarchisme.

Mais un second degré de lecture conduit à réfléchir sur ce qui fait accepter aux hommes les contraintes extérieures liées aux autorités diverses qui les régissent et que la domination peut prendre bien des visages

Ce texte présenté dans les lycées est propre à susciter des réflexions salutaires et notamment sur le niveau des étudiants. Quel jeune de 18 ans peut se vanter de nos jours de posséder une culture gréco-latine comparable à cette du jeune LA BOETIE ?

Avant de poursuivre votre réforme contestée,Mme NAJAT VALAUD.BELKACEM refléchissez bien et surtout plongez-vous dans la littérature antique et vous verrez qu'elle structure notre socièté et que ses idées et concept sont porteurs de NOTRE AVENIR.
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Discours de la servitude volontaire

Un classique !
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Discours de la servitude volontaire

Discours de la servitude volontaire est mon essai préféré, tout simplement parce qu'il est limpide, concis et d'une portée imparable pour les esprits qui l'ont lu. Ce petit manuel relativement court devrait être obligatoire au programme des collégiens ou des lycéens, tellement il éclaire sur les mécanismes de servitude des citoyens au pouvoir en place qui nous dirige.

C'est d'ailleurs sûrement, une des raisons, pour laquelle les politiques n'en parlent jamais, trop dangereux, le peuple pourrait décider de ne plus obéir servilement.

Le génie de ce texte est d'expliquer avec clarté les différents types de dirigeants auxquels nous pouvons être soumis et les conséquences qui en découlent :

- Les tyrans qui s'emparent du pouvoir par la violence,

_Ceux qui dirigent par succession héréditaire

- Et enfin les derniers, élus par le peuple.

Mais là ou résonne le mieux ses propos, c'est dans la croyance bête des citoyens de penser qu'une fois leurs représentants élus, ils seront bien gouvernés dans le sens de leurs intérêts. En fait l'auteur nous démontre le contraire, une fois élus, les dirigeants commandent souvent selon ce qu'ils croient bon pour nous et vont donc dans une direction néfaste pour le peuple. C'est là, que La Boétie nous tance, en arguant du simple fait, citoyens ne vous soumettez plus, ne servez plus votre chef présumé, créant la première désobéissance civile officielle de l'histoire tout en insistant bien sur la nécessité de ne pas recourir à la violence contre des dirigeants élus.

Son mot d'ordre est simple : brisons pacifiquement les chaînes que tous nous nous sommes données !

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Discours de la servitude volontaire

Précurseur de la notion de désobéissance civile, ce petit discours écrit par un jeune bourgeois de 18 ans étonne par la « modernité » de son message. Si le style peut sembler désuet, les idées qui y sont développées ne le sont en aucun cas. Un classique de la philosophie à lire pour tout individu aspirant à davantage de conscience de soi.
Lien : https://unoceandelecture.wor..
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Discours de la servitude volontaire



Comme tous les commentaires les plus élogieux ont déjà été faits à l’égard de cette oeuvre, je vais tempérer le propos :



De La Boétie était jeune au moment de l’écriture, et aussi grande soit son intelligence, cela ne l’empêche pas de tomber sur des écueils tels que son manque d’expérience des rapports humains. Il n’est pas mention, à un seul passage, de psychologie ; il en parle sous un biais factuel.



J’attendais un texte qui sorte de la dimension purement politique ; de La Boétie ne parle pas des allégeances humaines telles que celles que l’ont fait à son entourage, à ses amis… il est uniquement question d’un asservissement d’un citoyen par l’État.



Sur la forme : chaque démonstration ne complète pas forcément le propos ; De la Boétie a tendance à se répéter.



Il en reste que c’est une bonne démonstration — militante — des différents piliers de la tyrannie.





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Discours de la servitude volontaire

Petit brûlot contre la tyrannie.

La Boétie montre que celle-ci ne peut s'établir que parce que les peuples volontairement se soumettent au tyran, qui n'a pas les moyens de faire respecter sa volonté par lui-même - par paresse, par habitude, parce qu'ils n'ont jamais connu que la servitude. Il montre aussi comment le tyran corrompt et attire tous les hommes qui lui ressemblent et ainsi peut établir son pouvoir et le maintenir grâce à la collaboration de milliers de "petits tyranneaux" qui tentent de tirer leur épingle du jeu.

C'est une vision assez pessimiste quant au jeu politique car la tyrannie paraît inéluctable. Ceci dit, je le trouve un peu optimiste sur la nature humaine quand il pense que, libres, les hommes seraient capables de vivre en harmonie mais passons…
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Discours de la servitude volontaire

Retour au programme de l'agrèg, avec une nouvelle fois le genre d'oeuvres dont on entendrait jamais parler sans la confection de ces programmes académiques quelques fois inspirés comme cette année... Beaucoup d'ados, fougueux contestataires, tels que je le fus, ont dû adorer ce très court essai, qui fustige la tyrannie et, comme l'indique le titre, le processus de servitude volontaire qui s'instaure.



En le découvrant maintenant, outre l'obstacle de la langue de l'époque (car je le lis en langue originale) à laquelle on finit par s'habituer mais qui conserve de temps à autre une certaine obscurité, je n'adhère pas entièrement à l'ensemble du propos et du texte, même si je dois quand même louer pour l'époque l'audace de la pensée, de l'exercice, ainsi que la dernière partie. Elle aborde en effet les tentations humaines, et La Boétie s'éloigne alors de ce qui ressemblait jusque-là à un discours de hippie post-68ard caricatural qui en fait des caisses et qui en devient ridicule. C'est l'hugolien qui écrit ça, mais oui, il y a quelques fois des complexés du messie lourdingues, dans leur mission, dans leur sacerdoce de sauveurs idéologiques de la masse, nonobstant la noblesse de leur cause.



Anyway, lorsque La Boétie arrête de vouloir secouer comme des pruniers les paysans, et réfléchit à l'exercice du vice, de la récompense, des biens sur les serviteurs faibles face à l'or ou au pouvoir, ou nous instruit d'anecdotes antiques d'autorité, on comprend mieux l'influence du texte et son passage à la postérité, même s'il demeure relativement peu connu aujourd'hui. Si vous voulez découvrir les prémices de la littérature politique, juste après L'Utopie de Thomas More, un ancêtre (lointain, hein!) de la véhémence hugolienne, une sorte de premier exercice en la chose, avec une langue en devenir, encore imprégnée du latin dans le participe présent et certaines structures, prenez l'occasion, surtout que c'est très court, 50 pages à tout casser!!
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Discours de la servitude volontaire

L’histoire des peuples est un perpétuel recommencement. Qui eut cru que de telles réflexions écrites il y a près de 500 ans allaient trouver un tel écho aujourd’hui?

Étienne de la Boétie démonte les mécanismes d’asservissement des peuples qui curieusement se livrent volontairement à la tyrannie d’un seul par lâcheté et par aveuglement. Autrement dit les hommes sont complices de la dictature dont ils sont les victimes comme dans “ Soumission “ de Houellebecq.

Cependant on pourrait répondre à La Boétie que ,même avec du courage ,il n’est pas facile d’empêcher “ un tyran” de nuire car il a construit autour de lui un système tellement verrouillé qu’un individu seul ne peut le combattre. ( cf les dictatures du XX ème siècle) . Et aujourd’hui il y a aussi d’autres formes de tyrannie tout aussi pernicieuses.
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Discours de la servitude volontaire

Ce livre est un petit traité politique répondant à une question finalement assez simple : pourquoi nous soumettons nous à l’autorité ? et surtout lorsque celle-ci ne nous parait pas juste…

L’auteur nous développe de nombreux aspects de réponses, pour ma part je vais tenter de résumer celles qui m’ont le plus marquées. Je m’excuse d’avance pour tous les manques qui sont inévitables dans cette chroniques…



Pour revenir à notre sujet : La Boétie nous explique la facilité que nous avons à nous conformer à des ordres. Ainsi nous n’avons pas à nous poser les questions nécessaires à une décision. Si on nous dit quoi faire, pourquoi se compliquer la vie ?



D’autant que ces « ordres » proviennent de personnes qui ont une autorité : elles peuvent être légitimé par des diplômes (dans le cas d’experts par exemple), par la société elle-même (pour les élus par exemple) et ainsi de suite.



Nous restons à ce moment là dans la position de l’enfant qui écoute et obéit, supposant des raisons qui lui sont inintelligibles et supérieures.

De plus, une fois la prise de conscience de cet état de fait accomplie, en sortir demande beaucoup de volonté, d’énergie… et peut mettre en marge de la société. C’est pourquoi il y a une forme de volontarisme dans notre obéissance quotidienne, par confort.



Ces difficultés sont bien sur détaillées dans le livres, et finalement l’auteur abouti a la conclusion que sortir totalement de toute forme d’obéissance du jour au lendemain est impossible, cependant plus il y aura de gens pour questionner cette situation, pour refuser d’obéir aveuglément, plus nous avons de chances de nous diriger vers moins de servitude.



Si sortir totalement du système est difficile il y a mille petites échappatoires : des petites choses quotidiennes pour lesquelles nous pouvons tout simplement cesser de suivre le troupeau. Le texte a été écrit au XVIem siècle et c’est déjà par l’action individuelle quotidienne que l’auteur voyait venir le changement : aujourd’hui nous pouvons évidemment penser à la « désobéissance » par la sortie de l’impératif de consommation…



Pour continuer cette réflexion je vous renvoie vers « l’âme Humaine » d’Oscar Wilde qui traite assez bien e a volonté que nous pouvons avoir, vers « La désobéissance civile » de David Thoreau… et je pense que le titre parle de lui même et explique la filiation entre les deux oeuvres.



Pour ce qui est de mon édition de ce texte : je le possède aux éditions Mille et une nuits, dans un format poche tout petit et donc assez pratique ! Il a un format plus carré que ce dont j’ai l’habitude (comme toute cette collection : qui détient pas mal de titre engagés super intéressants de Bakunine à Thoreau…
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Discours de la servitude volontaire

Waouh quelle claque !

Comment est-ce possible qu'un gamin de 18 ans soit capable d'écrire un texte pareil en 1548 quand aujourd'hui, nos ados se cherchent des noises sur les réseaux sociaux ?

J'avoue que ce texte reste d'une actualité brûlante : le goût du pouvoir, l'obéissance à une autorité, l'aliénation du peuple, sa soumission à une autorité qui n'a de légitimité que parce qu'il y a des personnes qui acceptent de lui obéir. Et les courtisans qui deviennent des tyrans à leur tour pour plaire au chef, pour le flatter, contribuant ainsi à l'édification d'un système pyramidal Et la solitude du chef qui redoute la mutinerie et qui serre un peu plus la vis. Mais ce mec était un anarchiste avant l'heure ou quoi ? Un adepte du référendum d'initiative citoyenne ? Un gilet jaune du XVI° siècle ?

Cela vient faire écho à un conte lu dans mon livre précédent terminé hier (Alabama 1963) : un maître avait 200 esclaves dans ses champs de coton, la broche de sa femme avait disparu et le coupable devait bien entendu être parmi les esclaves, aussi il leur laissait une nuit pour que le coupable se dénonce sinon il fouettera tout le monde. Le lendemain. A son réveil, plus une fleur de coton, plus un seul esclave sur le domaine. L'histoire raconte qu'ils en avaient confectionné un nuage pour s'envoler. La femme du tyran, retrouva ensuite sa broche dans ses affaires et le maître fut ruiné.

La soumission à l'autorité ne serait donc qu'une construction psychique ? Comme cet oiseau en cage à qui l'on ouvre la porte et qui reste là par peur de l'inconnu.

Ce bouquin va me faire réfléchir toute la nuit. Demain, je dis merde à mon chef, je lui dis qu'il voie ça avec La Boétie. Non, je déconne, il est sympa mon chef !!



Challenge multi-défis 2021.
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Discours de la servitude volontaire

Ce discours paru, de façon posthume, en 1576 a été écrit vers 1546-1548 (selon Montaigne) par un jeune homme âgé de 16 à 18 ans, à l'époque où abreuvés de culture gréco-romaine les jeunes cerveaux savaient réfléchir, analyser, synthétiser, douter et critiquer (cela a bien changé depuis !).

Étienne de la Boétie (1530-1563) a écrit une œuvre majeure, d'une modernité et d'une actualité plus vraies que jamais, véritable leçon éthique et morale éternelle.

Il est à regretter que de tels textes ne soient plus ni étudiés, ni même mentionnés au cours des études de nos jeunes esprits qui gagneraient beaucoup à méditer dessus, à s'en inspirer dans le déroulé de leur vie (qu'elle soit privée ou publique) ; jeunes esprits que notre époque façonne volontiers en béotiens (i.e. Personnages lourds, peu ouverts aux lettres et aux arts, qui ont des goûts grossiers).
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Discours de la servitude volontaire

La Boétie nous montre que la servitude réside en nous, dans l'acceptation de la tyrannie et le renoncement à la nature profonde de l'homme qui est l'amour franc de la liberté.

Tout ceci reste ma foi d'une parfaite actualité !
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Discours de la servitude volontaire

La Boétie est un parfait humaniste de la Renaissance qui a traduit la Ménagerie de Xénophon et Les Règles de Mariage. L'auteur traite ici de l'honneur de la liberté contre les tyrans. C'est un discours efficace mais très difficile à lire, plusieurs faits historique comme l'Affaire de la Gabelle ont dû l'ébranler. La Boétie énonce la revendication libéral, il ne vise personne en particulier. On voit sa réflexion philosophique sur l'essence politique, il ne comprend pas pourquoi les peuples se soumettent volontairement à un seul et unique homme. Il nous soumet ses hypothèses comme l'habitude, la ruse des tyrans et la chaîne des gains. Le texte est clair et bien écrit, cela peut même paraître choquant lorsqu'on sait que l'auteur n'avait que 18 ans lors de la rédaction du discours. Le renoncement à la liberté consolide la tyrannie, il faut se révolter. Le discours a été publié treize ans après sa mort par son grand ami Montaigne. Ce texte est à lire, La Boetie appelle à la liberté d'esprit. Un pur joyau de notre patrimoine !
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Discours de la servitude volontaire

Etienne de la Boétie, passé à la postérité pour sa célèbre amitié avec Montaigne, que l'on a bien évidemment tous en tête, est devenu un peu moins célèbre que son grand ami car mort trop jeune, à 33 ans, mais il fut tout de même dans ce cours laps de temps sur terre, magistrat et homme de droit. Toutefois ce texte, qui est son unique et lui a valu sa renommée posthume, fut écrit bien avant à seulement 18 ans !

Car selon Montaigne, c'est en 1548 lorsqu'une révolte populaire contre la gabelle éclate et qu'elle se trouve réprimé dans le sang, que La Boétie aurait commencé à écrire son discours.

Dans ce texte, somme toute très court, une quarantaine de pages à peine, ce qu'il cherche à comprendre et à expliquer c'est pourquoi nous, les Hommes, acceptons-nous l'asservissement. Oui, pourquoi ? Vaste question qui pourrait remplir une bibliothèque entière, mais à laquelle La Boétie tente d'apporter quelques réponses. Il va le faire en puisant ses source de réflexion principales dans l'Antiquité. D'ailleurs ce texte aurait pu s'intituler « Discours de la servitude volontaire dans l'Antiquité » tant elle est omniprésente ! Si c'est un procédé qui a l'avantage de fournir un grand nombre d'exemples et de conférer à ses observations une aura intemporelle, il a en revanche l'inconvénient de devenir rapidement obscure pour quiconque n'aurait pas, comme lui, une vaste culture antique. Ce qui fut en l'occurrence mon cas, et bien que La Boétie explicite plutôt clairement ces anecdotes, j'ai déploré qu'il n'ait pas utilisé plus d'exemples contemporain pour étayer ses propos (car ce n'est pas les tyrans qui doivent manquer en ce milieu de XVIe siècle dans le monde !).

Quoi qu'il en soit de tous ces exemples greco-latins, il en tire un certain nombre de pistes : tout d'abord — et c'est ce que j'ai trouvé le plus intéressant —, il y a selon lui trois types de tyrans. Celui parvenu par les armes, celui parvenu par l'hérédité et enfin celui parvenu par élection. Encore une fois j'ai eu l'impression qu'il parlait davantage les deux premiers cas que du dernier, j'ai trouvé ça dommage car en tant que lecteur d'aujourd'hui c'est ce dernier qui nous parle le plus.

Quoi qu'il en soit, dans le fond, les conclusions qu'il en tire s'appliquent aux trois formes.

Et quelles sont donc ces conclusions ?

La Boétie estime que si les tyrannies perdurent et prospèrent c'est principalement du à l'habitude qui se forment chez les populations asservis. Autrement dit une forme d'accoutumance qui endort et ramollit toute velléité de résistance ou de réveil. Et pour peu que le régime tyrannique dure sur plusieurs générations, voilà toute notion de liberté réelle perdue, oublié dans le fond des âges, et la servitude transmise, collectivement et volontairement acceptée. Dans un phénomène paradoxale la masse en théorie plus forte que quelques uns, voit sa volonté faiblir et annihilée. Et effectivement, c'est à la fois très juste et très vraie, l'habitude chez l'homme, qu'elle soit collective ou individuelle, est la source de bien des maux et ce qu'il y a de plus difficile à corriger. L'aborder ici du point de vue de la société est original pour le siècle je trouve, en plus d'être extrêmement pertinent.

Cela dit, La Boétie nous montre que le pouvoir des tyrans repose sur de fragiles fondations ; l'adhésion par la peur (ou le mensonge), la longévité par l'habitude, l'abrutissement par les jeux et les plaisirs, des êtres pas ou peu aimé, toujours craint et bien moins protégé qu'on le croit. Finalement ce que l'on comprend entre les lignes et qui passe quasiment pour évident c'est qu'il suffirait de se soulever.

La Boétie ne le dit pas vraiment pas plus qu'il ne propose d'alternative, car ce texte est effectivement comme son titre l'indique, un discours, un plaidoyer plus qu'autre chose, l'amorce à une réflexion et à un recul sur notre propre condition.

La Boétie estime, tout comme Rousseau, que la liberté est l'état naturel des hommes, alors forcément toute entrave y serait par définition contre nature et effectivement on peut se demander si le fait même d'avoir des dirigeants, aussi lointains soient-ils de nos vies quotidiennes, n'est-ce pas une forme d'asservissement ? Je dis volontairement dirigeants et non tyran comme La Boétie car beaucoup de ce qu'il décrit et dénonce s'applique aisément de nos jours à ceux que l'on appelle simplement « dirigeants » ou « présidents ».

C'est pourquoi c'est un texte dont la résonance est intemporelle, hormis les références antiques, sa substance et les des idées qui y sont développées sont terriblement actuelles, et le seront, je pense, tant que les hommes vivront sur terre.

On lit et l'on ne peut s'empêcher de penser, pourquoi acceptons par simple habitude, par résignation, par passivité, le pouvoir de ceux qui ne nous font aucun bien ? Et combien de dictateurs dans le monde pourraient être renversés en moins de temps qu'il ne faut pour le dire si seulement leurs peuples se rendaient compte qu'ils leur sont supérieurs en force et en nombre ? C'est vertigineux.

Bref, c'est un texte qui ouvre une quantité de réflexion sur la nature de l'homme et sur nos sociétés, un texte passionnant, fondateur et que tout citoyen éclairé, ou qui veut l'être, devrait lire !
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Discours de la servitude volontaire

Lorsqu’il écrit le Discours de la servitude humaine, Etienne de la Boétie (1530-1563) étudie le droit à l’université d’Orléans, l’une des plus réputées d’Europe à l’époque. Montaigne, son grand ami, nous dit dans ses Essais qu’il n’avait alors pas encore 18 ans. Des controverses ont éclaté à ce sujet : le Discours n’a pu être écrit par un si jeune homme. Partant, soit il l’a écrit à un âge plus mûr, soit c’est Montaigne lui-même - qui voulait l’inclure dans l’une des éditons de ses Essais - qui en l’auteur. Il est admis de nos jours que c’est bien La Boétie qui a rédigé le Discours, et ce dans sa « prime jeunesse » (même s’il est possible qu’il l’ait retouché plus tard, ou que Montaigne y ait apporté des corrections ou des ajouts). On se trouve donc face à un texte révélant un esprit brillant et d’une grande précocité. Certains commentateurs n’y voient qu’un classique exercice de rhétorique, tel qu’en pratiquaient les étudiants d’alors. C’est cela et beaucoup plus : un essai de philosophie et de psychologie politiques.

Pour La Boétie, il est dans la nature de l’homme d’être libre et raisonnable. Pourtant , il observe que les hommes subissent souvent le joug d’autres hommes, quand ce n’est pas d’un seul. Ainsi soumis, ils semblent préférer souffrir et servir leur tyran, plutôt que de rechercher la liberté à laquelle leur nature aspire. La Boétie voit plusieurs causes à cette soumission : les hommes, naissant dans le servage, sont éduqués à obéir ; ils sont abêtis par les divertissements et les quelques faveurs que leur prodigue le tyran ; enfin, le despote se fait aider par quelques vassaux qui eux-mêmes en soumettent d’autres, ainsi de suite jusqu’à former une longue chaîne de soumission.

Cependant, plus qu’à une dénonciation de la tyrannie, c’est à celle de la passivité du peuple que s’attache La Boétie. En effet, sans la résignation, voire l’approbation du peuple, pas de tyrannie possible. Par quelle perversion de leur nature les hommes se laissent-ils mettre le joug, alors même que cela ne leur apporte que peines et malheurs ? Car il ne leur suffirait que de vouloir se libérer pour que cesse toute servitude : Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres.

Le Discours a inspiré nombre de révolutionnaires des époques ultérieures, en particulier aux XVIIIème et XIXème siècles. Cependant, pas d’appel à la sédition et au désordre public chez La Boétie. Il était trop soucieux de paix sociale pour cela, horrifié qu’il était par les guerres de religion qui ensanglantaient le pays à son époque. On était encore loin également de notions telles que souveraineté du peuple et démocratie. En revanche, il nous disait ceci : l’homme ne peut se laisser dominer sans se renier lui-même. Il est responsable de sa condition et il n’appartient qu’à lui de la changer. La leçon vaut en tout temps et en tout lieu, y compris ici et maintenant où la servitude, qu’elle soit politique ou économique, ou les deux à la fois, est bien d’actualité.


Lien : http://plaisirsacultiver.unb..
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Discours de la servitude volontaire

Un très jeune homme, une acuité qui frôle le don de voyance :) !!! et tout reste frais, vrai et tristement d'actualité....
Lien : http://annabelle.mdx@free.fr
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Discours de la servitude volontaire

Ce texte de La Boétie est étonnant. Au coeur d'un 16ème siècle où la royauté est omnipotente, cet auteur proclame en gros, libérez-vous du joug du tyran. Si une, 100 ou mille personnes cèdent au pouvoir d'un, voire de plusieurs dictateurs, un million de citoyens peuvent faire tomber ce pouvoir omnipotent.



Aujourd'hui, quelques personnes, possédant la presque totalité des richesses, font la loi sur toutes les autres, minoritaires en matière de biens mais largement majoritaires en nombre de citoyens. Ces conquérants des biens matériels, donc politiques, ne s'intéressent ni aux gens, ni au réchauffement climatique, ni à la perte de la diversité. Qu'attendons-nous pour appliquer les préceptes de La Boétie ? Comme Stéphane HESSEL auquel j'assimile ce jeune homme du 16ème siècle, "Indignons-nous !"
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Discours de la servitude volontaire

L'auteur se pose la question suivante : comment tout un peuple ne peut-il se soulever contre son oppresseur ? Il peut comprendre que quelques hommes aient peur d'un seul, c'est de la couardise, mais tout un peuple, des milliers d'hommes ? Il explique qu'un animal lutte toujours pour sa liberté (rapporte même le fait légendaire que l'éléphant, une fois sur le point d'être capturé, brise ses défenses et les offre au chasseur en échange de sa liberté) ou souffre une fois pris (oiseau en cage). Même le bœuf se plaint sous le joug, un cheval maltraité ruera contre son cavalier. Alors pourquoi les hommes ne se révoltent pas ? C'est une question d'éducation. Ceux ayant connu la liberté, même une fois, toujours la désire, se battent pour elle ou y aspirent. Mais ceux nés asservis, comment leur viendrait l'idée d'être libre ? La coutume les a placés en cet état, il leur est difficile de s'imaginer autrement. Par l'esprit, on peut entrevoir la liberté, et l'auteur précise que le Grand Turc (au sens de l'époque) n'encourage pas les sciences et les lettres, car il n'a que faire de savants. Le tyran (ce mot revient tout le temps, indifféremment avec le terme roi) est au pouvoir par la naissance, par l'élection ou la conquête. Plus on donne à un tyran, plus il prend, plus il croît en puissance. C'est vous même qui donnez le pouvoir au tyran. Il maintient le peuple en sujétion en lui offrant des distractions, des libéralités (du pain et des jeux), en sachant que le tyran peut se montrer généreux parce qu'il use du bien public qui, en définitive, n'est pas à lui ! De plus, par son titre, le tyran se pose comme un protecteur aux yeux du peuple. Mais il n'y a pas que le peuple. Le tyran se maintient parce que quelques uns tirent profits de sa tyrannie, ayant sous leurs ordres d'autres qui tirent profits etc. Le tyrans attire à lui les malfaisants. Pour l'auteur ces gens s'aliènent, ils ne vivent que pour faire le plaisir de leur maître, doivent penser comme lui et ne savent que faire endurer à ceux qui leurs sont inférieurs la tyrannie qu'ils subissent. De plus, le peuple va haïr ceux qui servent le tyran plus que le tyran lui-même, puisqu'il a surtout des relations avec eux. Le tyran peut même utiliser la religion pour asseoir son autorité (guérisseur miraculeux). Notons que l'auteur pose une réserve pour la monarchie française, mais il n'est ni ferme ni définitif, précisant bien que par l'histoire que l'on nous enseigne, on a tendance à accepter le monde dans lequel on naît. Notons aussi qu'il flatte la poésie française, celle de Du Bellay notamment, mais la poésie ne travestit-elle pas la vérité ? Dans son texte, La Boétie se réfère beaucoup aux batailles des Grecs et des Spartiates pour leur liberté contre les Perses, et prend beaucoup d'exemples de tyrans parmi les empereurs romains. Néron est un de ses exemples favoris, illustrant à merveille comme avec la fin tragique de Sénèque combien servir au mieux un maître ne sert à rien : on est toujours à sa merci. Il relate que les Romains ont pleuré César à sa mort alors qu'avec lui est advenu la fin de la République. Il aime aussi se référencer à Ulysse, l'homme libre par excellence. L'homme est né libre et doit lutter pour le rester.
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