Laurent Weber

L'autodomestication ou… Lotodomestication ?... C'est que le narrateur vient d'apprendre qu'il est l'heureux (?) gagnant du dernier tirage de l'Euro Millions. Au gré de ses états d'âme on ne peut plus fluctuants, les réflexions à la première personne déboulent et se bousculent dans de courts (voire très courts) chapitres, entre froide analyse et pétage de plombs en règle.



Un ton direct et original pour un monologue vite consommé, un peu barré, plutôt décousu et heureusement ponctué par la chute qui, en un sursaut, lie l'ensemble et rattrape la sauce, in extremis.



Pas inoubliable pour autant.




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À vous dégoûter de jouer au Loto ou à Euro Millions ! Le héros vient de gagner 100 millions d'euros et ça lui met le moral en l'air ! Vous y croyez, vous ? Alors qu'on rêve tous de ça. Et Monsieur fait la fine bouche ! Aucune étincelle de joie visible, tellement elle est ratatinée, massacrée par l'angoisse. Mais, comme disait Jules Renard : "Si l'argent ne fait pas le bonheur, rendez-le !" Eh bien justement, même si l'histoire se passe avant le paiement du magot, il en est quasiment déjà à chercher à s'en débarrasser !

À voir les états psychiques dans lequel cela le met, et surtout l'extrême difficulté qu'il a à se faire à l'idée et à la situation (elle est là l'autodomestication, ou Loto domestication), il faut croire que ce qui nous fait tous rêver, n'est pas aussi simple que cela à vivre. Certains psychologues vont jusqu'à nommer cette situation "l'heureuse catastrophe" !

Mais, le livre se déroule plutôt lors de la phase "catastrophe" que de la phase "heureuse". Car, ce qui est perçu comme une chance par tous ceux qui jouent (mais qui perdent), a complètement déstabilisé le héros, au point qu'il se coupe totalement de son environnement. N'arrivant pas à faire face, il serait prêt à renoncer à ce gain pour être soulagé ; mais le paradoxe est qu'en même temps, en adoptant déjà certaines attitudes et certaines libertés relativement interdites au commun des mortels pauvres, il a finalement déjà commencé à goûter sa prochaine fortune ; comme par exemple ne pas aller à son travail sans que cela lui cause une quelconque gêne, et prendre les éventuelles conséquences de cette absence avec un réel détachement. Son état psychique va même le conduire jusqu'à des agissements incohérents, voire à la schizophrénie. Cette dérive mentale lui fait évidemment jeter un regard nouveau sur sa vie, son environnement, son entourage. Et c'est ainsi la source d'interrogations continues sur un tas de petites choses de sa vie quotidienne, qui, en fait, constituent une échappatoire au vrai questionnement existentiel dans lequel le plonge la perspective d'une nouvelle vie. Ces interrogations donnent en tout cas une certaine poésie et une réelle fraîcheur au texte, évitant ainsi de plomber l'atmosphère.

En effet, une telle description du livre ne doit pas laisser penser que sa lecture est pesante. Au contraire, le texte est original et plaisant. Notamment, la déstabilisation du héros conduit à des propos décalés, voire parfois déjantés, laissant ainsi la place à l'humour et à l'absurde. En outre, le style est rendu vif par une mise en mots de ces états d'âme sous forme de monologue, écrit de phrases courtes, avec des idées et des sujets très divers, passant du coq à l'âne en permanence.

Malgré tout cela, le livre n'est pas arrivé à me dégoûter des jeux de loterie, Loto & Co. Je résiste. Et même, dans un élan de générosité totalement désintéressé, je suis prêt à me sacrifier pour gagner et ainsi éviter à tous de tels moments si terribles. Donc, n'hésitez pas à m'envoyer un message, ou mieux, votre ticket gagnant, si vous êtes dans cette situation et qu'elle vous pèse (Maldoror & Cie : la tranquillité du gagnant !). Je suis sûr que nous trouverons un terrain d'entente. Comptez sur moi !