Aucune [autre de ses démarches] cependant n'illustre davantage l'engagement de Gilbert [de Lafayette] en faveur des droits de l'homme que son combat pour l'émancipation graduelle des esclaves, premier pas dans son esprit vers l'abolition de l'esclavage. Lafayette ne connaîtra pas cette ultime étape, qui n'interviendra en France que longtemps après sa mort, le 27 avril 1848, avec le décret de Victor Schœlcher. Il y eut une brève lueur d'espoir avec le décret d'abolition du 16 pluviôse an II (4 février 1794), à laquelle Bonaparte mit fin, le 20 mai 1802, en rétablissant l'esclavage dans toutes les colonies. Gilbert n'a pas profité longtemps de cet intermède abolitionniste : emprisonné en 1794, il n'est rentré sur le territoire national qu'en 1799. En mai et juillet 1802, alors qu'il est installé à Lagrange, la France donne même un tour de vis dans un sens rétrograde en excluant de l'armée les officiers de couleur, et en interdisant toute présence des « Noirs et gens de couleur » sur le territoire national. Quelques mois plus tard, le 8 janvier 1803, cet arsenal juridique raciste est complété par l'interdiction des mariages mixtes. Toute sa vie, de son premier voyage en Amérique en 1777, où il découvrira la réalité du sort des Noirs, jusqu'à sa mort, Lafayette ne cessera de se battre en faveur de l'abolition.