Laurie Bédard

Ronde de nuit c'est la chute

le sol

le corps en morceaux



c'est aussi l'absence de virgules

qui te fait reconsidérer

ta façon de lire

tu redeviens le ti-cul

de la lecture à voix basse

Le recueil de Bédard, composé de 6 poèmes où une narratrice anonyme s’adresse à un personnage inconnu au « tu », ne présente pas de continuité au niveau du décor. Les poèmes 1, 5 et 6 font mention d’une maison quelconque : des fenêtres ouvertes, quelqu’un qui cogne à la porte, une bouilloire dans la cuisine. Dans le poème 3, on retrouve quelques éléments urbains : des toits, des portes, une façade. Les poèmes 2 et 4 ne font aucune mention de décor, s’appuyant surtout sur le personnage. Le seul élément récurrent de décor, qui revient dans pratiquement tous les poèmes, est « la nuit » (pas étonnant, pour un livre intitulé Ronde de nuit !). On réussit donc généralement à se situer chronologiquement

Il s’agit ici d’une œuvre où le décor, même dans les poèmes où il en est brièvement question, est plutôt sans importance. Les poèmes sont principalement construits autour du personnage à qui s’adresse la narratrice, autour de rêves, de souvenirs. La force du recueil se trouve dans le côté abstrait des vers, dans un réalisme saupoudré de moments surréalistes où on vole, on creuse des rivières à la main, on voit des fantômes.

Ce recueil, que j’ai dévoré une, deux, trois fois sans m’en fatiguer, conserve son impact même lors d’une relecture. Les tournures de phrases de Bédard, sèches et crues, cette écriture au « tu » et cette quasi-absence de décor sont les aspects qui m’ont particulièrement plu au cours de mes lectures.