Léo Betti, invité le 3 avril par Céline Garcia sur Radio FM-PLUS pour parler des romans RAMPANTS DES VILLES et LIMITE VIDE publiés aux éditions du Basson.
L'enfant, c'est à peine plus que le chien de compagnie. Pas de croquettes et de laisse autour du cou pour lui, mais des coups dans la gueule pour le faire obéir.
C'est du rien qui sort de ma bouche. Quand je parle, rien n'accroche. Les mots n'agissent pas quand je les utilise. [...] La phrase qui sonne, jamais je ne la trouve.
S'ils savaient comme j'aime tuer ! C'est terrible.
(Ph. Botella)
ALADDIN
« Un jour papa il avait jeté mon sac de billes après une mauvaise note / je crois que c’était pour ça je me souviens plus bien / souvent je me souviens plus bien des choses / je suis bête / toujours il dit ça / ma tête elle sait pas faire comme il faut / maman elle dit rien / mon frère il est petit mais lui je l’aime pas / moi j’ai huit ans et demi et lui presque sept / papa il le tape jamais lui c’est que moi qu’il tape et des fois quand il fait une bêtise je cafte à maman ou papa pour qu’il le tape et il le tape jamais / des fois quand il fait une bêtise c’est moi que papa il tape à la place / maman elle dit rien / et aussi quand je me réveille le dimanche papa il dit jamais bonjour / c’est moi qui dois dire bonjour sinon il me crie et des fois quand je dis bonjour il répond pas / il dit pas bonjour même pas il me regarde / il dit va faire tes devoirs t’es pas à l’hôtel ici / alors je vais faire mes devoirs / je fais semblant et presque toujours je ne les fais pas et la maitresse elle est pas contente / papa quand il parle de la maitresse il dit cette connasse »
Pendant que les fils de bourges déambulent dans les grandes écoles privées, les prolos profitent des aides. Assistés que nous sommes. On l'entend souvent. Statistiques comblées. Les miettes tombées de la table, nous les léchons comme de bons petits clébards. Nous en sommes repus. C'est ce qu'ils doivent penser les autres dans leurs belles maisons, qui se savonnent en Dior ou Chanel.
Dans l’éther de la fin, les atomes se confondent. Mon corps devient le vide, mon souffle devient le gris. La brise s’inspire sans plus de difficultés. Ça flotte comme l’air du commencement, dans le ventre de la mère. Ça flotte dans le silence de ce gris infini. Ce gris qui s’accorde au rien sans quête d’autre chose.
Elle écrit sur des bancs, des murs, gratte les surfaces dans les heures d’ennui, pour s’inscrire, marquer quelque chose, s’inscrire quelque part dans l’ici. Cette vie. Marquer. Là. Presque rien. Marquer comme ils font les gosses, les ados dans les classes d’école, les couloirs des collèges, sur les vieux bancs de bois, les tables de cours, les murs blancs de la chambre avec feutres de couleurs. Ce désir-là, désir de tout le monde, désir de l’artiste, de l’enfant sur la Terre, presque rien presque tout : laisser trace.
"La femme du 16"
L’infini, je l’ai vu dans ses yeux cette nuit-là. Ses bras étaient la lumière racontée dans les mots des poètes. Son souffle comme le vent. La chaleur de la chambre. Le lit sous les toits. Son cou pour mes lèvres. Ses cheveux dans la nuit. L’air de son parfum. Son corps comme les miracles. Les mots de sa bouche :
« Je t’aime ne pars pas. »
La mère c’est la mère. Les quais. Paris. Le soleil. C’est bouleversant aujourd’hui. Pourquoi aujourd’hui et pas hier ? La mère c’est la mère, les quais c’est les quais. La mère c’est la cathédrale des âmes perdues. Toujours. C’est ce qu’elle ressent aujourd’hui.
Détruire la beauté. Détruire ce que les autres ont et qu’on ne peut avoir. Pour une fois, je fais quelque chose qui a du sens. Je sais, c’est mal, mais ça a du sens. Le sens que je lui donne. Puisque c’est moi qui décide maintenant. Je vais décider de tout maintenant.