... J'aurai voulu vous montrer les escaliers du vieux Brest, il y en avait partout ; je les regrette, quoiqu'ils fussent "des précipices ouverts sous les pas des habitants, qui risquaient à tout moment de se rompre le col".
La promenade est terminée, Messieurs-Dames, elle n'est qu'ébauchée, il faudra revenir ... Kénavo ...
Et n'oubliez pas le guide, s'il vous plaît ...
LE MENEZ-HOM
Monsieur a une manière bien banale d'expliquer la formation des collines et des montagnes. Le Certificat d'Etudes lui impose cette définition: "C'est un plissement de l'écorce terrestre." Et à Lopérec, au Pont-de-Buis, à Pleyben, dans la classe des grands, on explique pareillement les choses! Que cette uniformité manque de poésie!
Chez Madame, heureusement, on peut imaginer ce que l'on veut et raconter ainsi:
-Autrefois, à la place du Menez-Hom il y avait une terre plate, triste et pauvre, avec quelques petits villages, ça et là. Lannic s'ennuyait. Il n'avait pas encore l'âge d'aller à l'école, peut-être même n'y avait-il pas d'école aux environs. C'était un gentil garçon qui aimait les bêtes, même les crapauds, même les salamandre.
Madame insiste parce que les salamandres sont inquiétantes avec leur peau huileuse, jaune et noire; on les éventre, on les martyrise, on les jette dans le feu, comme autrefois les sorcières; on les accuse de tarir le lait des vaches et d'attirer le malheur sur les champs.
Un jour, Lannic trouva une taupe au bord de la route. Elle avait été piétinée, probablement par un cheval. Sa patte saignait et elle allait mourir faute de soins.
L'enfant lava la petite patte mutilée, l'enveloppa dans un chiffon et porta la taupe à sa maison de terre.
Tous les jours, il allait voir son amie, il la soignait et lui faisait manger de l'herbe et des petits vers. Il en était si fou qu'il lui parlait comme à une personne, et comme le faisait sa mère avec les autres fermières, lui donnait des nouvelles de la famille, de la moisson, lui annonçait quand la pluie n'était pas loin.
Lannic faisait les demandes et les réponses, mais il ne fut pas étonné du tout quand la taupe prit réellement part à la conversation.
-Oui, Lannic il va pleuvoir, et il va falloir que je me cache au fond de ma maison, mais avant de te quitter, je voudrais te faire un cadeau.
Lannic se mit à rire.
-Que pourrais-tu me donner? Je n'ai jamais vu de train, pourrais-tu me donner un petit train ?
-Non, dit la taupe confuse et humiliée, mais cherche encore, dis-moi ce que tu désires les jours où tu t'ennuies.
-Eh bien! dit Lannic, à moi que ne quitte jamais ce village, voir le clocher de Saint-Nic me ferait vraiment plaisir.
La taupe fit son sourire de taupe et sans perdre de temps se mit au travail. De ses premières pattes, que sont de fameuses pelles, vous le savez, elle creusa, tassa la terre autour d'une roche: ce fut une des trois collines du Ménez-Hom, que Lannic escalada en cinq minutes.
Les cloches de Saint-Nic sonnaient pour un baptême et le petit garçon radieux les entendit pour la première fois. Les sons venaient jusqu'à lui en vagues joyeuses qui le berçaient. Lannic, parfaitement heureux, resta à les écouter jusqu'à la nuit que cacha le clocher sous son parapluie de soie.
Sa joie ravit son amie la taupe qui, sans le prévenir, une nuit façonna une autre colline sur la plaine. Il passa une journée tout en haut, à regarder la route de Saint-Cadou. Les gens lui semblaient de vraies fourmis et les voitures sans chevaux qui roulent avec un bruit terrible l'effrayèrent vraiment.
Mais la troisième colline? la plus haute, qui donne la main à chacune des deux petites? C'est aussi un cadeau de la taupe ?
Mais bien entendu! Voyons!
Quand vous irez au certificat d'études, répondez comme les grands: "C'est un plissement de la couche terrestre". Mais tant que vous êtes des petits, répondez à M.l'Inspecteur, s'il vous interroge:
-Madame dit que les trois collines ont été faites par la taupe, l'amie de Lannic.
Il fallut, je dois dire, plusieurs taupes pour élever la plus grande des deux collines (celle qui a trois cent trente mètres). L'amie de Lannic demanda le concours de ses oncles, tantes, frères, soeurs; toute la famille se mit au travail, grands et petits.