C’est peut-être dans un pays si lointain que j’aurais dû aller quand je suis partie il y a presque sept ans… J’ai souvent entendu parler de gens qui avaient fait le choix de vivre loin, très loin du pays qui les avait vus naître. Le souvenir d’un roman japonais affleure à mon esprit. Le narrateur partait en Finlande rechercher une de ses anciennes amies. La jeune femme vivait là depuis une dizaine d’années, elle s’était mariée, avait des enfants. Le narrateur la retrouvait au milieu de cette famille qu’elle avait créée là-bas. Elle était heureuse. Pour rien au monde elle ne semblait vouloir rentrer au Japon.
Comme un oiseau à la recherche d’une proie, je scrute le sol en dessous de moi. Je tournoie un bon moment lorsque soudain, j’aperçois quelqu’un qui marche dans une rue. C’est elle ! Je la reconnais ! Je veux l’appeler par son prénom, j’ouvre la bouche… Mais il ne sort que des cris. Et lorsqu’elle lève les yeux vers le ciel, en ma direction, et veux lui répondre par un signe, je constate que ma main n’a plus de doigts. Elle est recouverte de plumes, elle a la forme d’une aile… Je crie à nouveau mais elle accélère le pas. A-t-elle peur de moi ?
— Debout là-dedans !
Je me réveille en sursaut.
Ce que j’ai appris à l’école n’est peut-être rien en comparaison de ce que j’ai appris dans la boutique de la via Annunziata. Non que je veuille déconsidérer ce qu’on apprend dans les écoles de stylisme mais chez ma grand-mère j’ai appris à couper, coudre, toucher, regarder les tissus comme on apprend à parler ou à marcher. Ou plus exactement, j’ai appris à regarder le monde, les émotions, les sentiments à travers les couleurs, les matières, les assemblages et la forme des tissus. Tout cela est en moi, si profondément, que c’est indissociable de ce que je suis.
On ne devrait jamais avoir honte de ses sentiments…même s’ils sont difficilement avouables. Nos sentiments, c’est ce que l’on est au plus profond de soi.
L’amour nait et vit en nous, nous n’y pouvons rien. C’est lui qui décide, lui qui sait. Nous pouvons bien essayer de nous faire une raison, nous pouvons bien nous cacher cette force qui est en nous, mais nous ne pouvons la faire cesser seulement parce que nous le voulons. L’amour ne dépend pas de notre volonté. Combien de fois voit-on des couples qui font semblant, se mentent ?
On ne devient pas une bonne styliste sans être excellente en dessin. Et il faut savoir tout dessiner. C’est une grave erreur de faire l’impasse sur ce qu’on juge qui ne sera pas utile à la création de vêtements. Car toutes les techniques du dessin peuvent être utiles un jour ou l’autre. Etre styliste, c’est apprendre à penser avec un crayon et une feuille…
Si nous aussi nous connaissions d’autres histoires ? Si des amours enfouis, des amours que l’on croyait éteints refaisaient surface, des amours coupants comme des morceaux de verre ou pire encore, des amours envenimés qui distillent lentement leur venin, renaissaient en nous ?
Mon frère a toujours été comme ça. Il n’a jamais supporté qu’on ne fasse pas tout dans les règles, comme nous l’ont appris nos parents, nos profs, le curé… Il aime les traditions, les choses qui ne bougent pas. Il ne faut surtout rien changer…
On a tous quelqu’un qu’on n’a pas oublié, avec qui on a loupé un truc… Comment peut-on s’engager à cent pour cent ? C’est un truc de conte de fées, de bouquins à l’eau de rose ça !
L’amour ne sait que rendre les gens malheureux.