Nous n'avons pas tardé à nous tordre de faim. Si les premières neiges nous avaient embrassés tendrement, l'hiver n'avait plus rien de doux ni de chaleureux. Ce n'était plus que gel, vide et paysage mort. Je manquais de lait pour ma petite. Mon garçon semblait avoir les yeux plus grands qu'avant. Sous les miens étaient apparues des poches aussi grosses que des prunes, marque des nuits trop courtes, du vent cinglant, de tous ces ventres vides et fragiles à remplir. Mes mots écorchaient Armod. Après tout, c'est ça, l'amour : s'il ne trouve pas de quoi se nourrir, il ne peut gagner la conscience et le coeur. Avec la faim, l'amour se déchire en lambeaux. Les moustiques desséchés sont les plus agressifs.