Je m'engouffrai dans le métro. Dans le wagon, nous étions tous les uns contre les autres. Intimité forcée. Pourtant je le désirais, ce contact, je le voulais, le cherchais et le provoquais. Je voulais sentir la vie. Mais peau contre peau, sueur contre sueur, je ne sentais personne. Vous qui êtes si proches, je vous vois tellement loin de moi. Nous étions une foule et pas un son, pas une conversation ne brisait le lourd silence. Et où sont passées ces fichues couleurs ? En réponse, la lumière s'éteignit et le métro resta bloqué quelques secondes entre deux stations. Mais quand la lumière revint, les couleurs restèrent absentes, fades, froides et blafardes.
Du concentré de vie, ce métro. Et pourtant... Des morts en sursis, voilà ce que nous sommes ! De la mort en sursis, des cadavres ambulants. De la chair putride, des corps se traînant. Misérables, au vide de nos vies, nous nous accrochons.
Je ne sais pas si c'était la chaleur qui commençait à revenir, mais je me sentais émue face à cet homme. Le même âge que moi... Je crois que l'être humain raisonne très simplement. Le même âge que moi signifie que ça pourrait être moi... et moi, dans ce cercueil... oui, j'étais émue. Finalement, même le chagrin que l'on ressent face au malheur des autres est très égoïste.
-Tu peux lui toucher la main si tu veux.
-Oui...
Ma main se tendit et frôla la sienne. Rien. La même sensation que de toucher un poulet qui sort du froid. Juste une main raide et fraîche. La mienne était encore gelée.
Je n'en verrais pas plus. Je pense que j'en avais vu assez. J'avais rattrapé en une journée tous les deuils que je n'avais pas eus.