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Citation de enzo92320


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Ce principe a été souligné dès 1926 par Graham Wallas qui est l’auteur d’un ouvrage novateur sur la découverte scientifique intitulé The Art of Thought (Wallas, 1926). Utilisant des manuscrits autobiographiques du grand mathématicien français Henri Poincaré, probablement l’un des esprits les plus féconds de la première moitié du XXe siècle, Wallas a proposé un modèle descriptif de la découverte scientifique. Jacques Hadamard, qui fut un autre éminent mathématicien français, a lui aussi décrit le cours de ce processus en des termes assez proches dans son livre Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique (Hadamard, 1945 ; Hadamard, 1975). Ce que nous enseignent Wallas et Hadamard à propos du processus mental qui conduit à la découverte mathématique géniale, c’est qu’il obéit à un enchaînement précis de quatre périodes de travail intellectuel. La première de ces périodes, qualifiée de « période de préparation », est le socle fondateur de la découverte. Elle consiste à penser consciemment durant de longues heures à la nature du problème qui est posé, à en expliciter l’ensemble des termes de manière extrêmement approfondie en faisant appel à l’ensemble des connaissances déjà connues. Cette période peut être très longue et génère une intense sensation d’effort mental. Bref, la période de préparation correspond à la mise en place consciente du problème et à la formulation des pistes à explorer afin de guider la découverte à venir éventuelle.

À cette première étape du processus succède la période d’incubation, durant laquelle le mathématicien « abandonne » sa pensée consciente à d’autres préoccupations, et laisse pendant plusieurs jours son esprit vagabonder à d’autres choses qu’à la solution de son problème. Ce qui semble donc pertinent durant cette seconde phase de la découverte, c’est l’activité mentale inconsciente telle que nous l’avons déjà décrite : multiple, riche, évanescente, sensible aux influences conscientes. C’est précisément lors de cette période qu’une idée absolument nouvelle va être générée inconsciemment. Aussitôt créée, cette idée va accéder à la conscience du chercheur pour constituer la plus brutale et la plus courte des quatre phases, celle de l’« illumination ». Cette période de l’illumination correspond donc à la prise de conscience du fruit de la période d’incubation. Consciemment représentée dans l’esprit du mathématicien, cette pépite brute et jusqu’alors inconnue va faire l’objet d’un long travail conscient de vérification, d’affinage, à travers la quatrième et dernière période qui est celle de la « finition ». Cette description en quatre périodes semble fidèle au cheminement mental qui a conduit à de multiples découvertes mathématiques.

Elle nous permet de comprendre l’origine du raccourci qui sous-tend cette conception populaire selon laquelle les grands processus artistiques ainsi que les découvertes scientifiques majeures reposeraient sur l’activité de notre « inconscient ». Comme tout raccourci qui se respecte, celui-ci n’est pas totalement inexact, mais il pèche par omission. L’idée géniale est bien le fruit de notre activité mentale inconsciente. Mais cette activité mentale inconsciente serait impuissante à produire cette idée en l’absence des trois autres périodes de travail conscient, et notamment en l’absence de la période de préparation qui la précède. D’où les déboires de notre charcutier bordelais !
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