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EAN : 9782738118288
465 pages
Odile Jacob (14/09/2006)
3.95/5   11 notes
Résumé :

" Je vous invite dans ce livre à une nouvelle odyssée, placée sous les auspices des neurosciences de l'esprit. Au-delà des analogies et des oppositions entre l'inconscient freudien et l'inconscient cognitif, je montrerai que la posture même du discoursfreudien détient une clé essentielle de notre faculté à construire notre pensée consciente. Cette clé de laconscience découverte par Freud, à ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'histoire a retenu le nom de Sigmund Freud comme le découvreur de l'inconscient ; que reste-t-il de cette découverte au temps des neurosciences triomphantes ? Ces dernières peuvent-elles mettre en évidence l'existence d'un inconscient ? Et au cas où la neurologie mettraient en évidence l'existence d'un inconscient, celui-ci est-il comparable à l'inconscient tel de Freud l'a découvert ? Telles sont les questions à laquelle tente de répondre cet essai de Lionel Naccache neurologue à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière et chercheur en neurosciences.


Le grand mérite de la démarche de Lionel Naccache est d'apporter des éléments substantiels à un débat qui est en train de prendre la forme caricaturale d'une querelle de chapelles qui opposerait des psychanalystes « charlatans » à des psychiatres « stipendiés par l'industrie pharmaceutique ». Il existe des psychanalystes qui ne méprisent pas les neurosciences comme il existe des neurologues qui considèrent la psychanalyse avec respect. Lionel Naccache est de ceux-là. Il est un lecteur attentif de Freud. Dans cet essai, il rend un hommage au médecin viennois qui avait délaissé la recherche neurologique pour inventer la psychanalyse une thérapie fondée sur la parole en mettant de côté, sans jamais les rejeter, de toutes approches somatiques de la vie mentale.

C'est que Freud au début de sa carrière de médecin s'intéressait de très près à la biologie du système nerveux. Mais il a abandonné ce terrain de recherche sous l'influence des nouvelles théories de l'hypnose. C'est en s'intéressant aux travaux sur l'hystérie de Joseph Brauer à Vienne et de Charcot à Paris que Freud en est venu à conceptualiser l'inconscient pour inventer sa psychothérapie analytique. Celle-ci est fondée sur la parole du patient et sur l'interprétation de signes (actes manqués ou rêves) venu de cet inconscient. C'est ce dernier concept que Lionel Naccache examine à la lumière de la neurologie d'aujourd'hui.

Lorsqu'il veut mettre en évidence l'existence d'un inconscient neurologique, l'auteur ne part pas de zéro. Depuis longtemps, on a observé des phénomènes relevant de l'inconscient. le premier d'entre ces phénomènes est le très banal réflexe rotulien que chacun d'entre nous rencontré sous le coup de marteau du docteur. Mais la neurologie en connait bien d'autres qui furent découvertes à l'examen de patients victimes de certaines lésions cérébrales. Ainsi il existe un forme de cécité appelée cécité corticale (en anglais, blindsight, la vision aveugle). Ces malades, dont les yeux et les nerfs optiques sont pourtant fonctionnels, sont incapables de voir un objet lorsque celui-ci se trouve dans une certaine partie de leur champ de vision. Une certaine zone de leur cerveau, lorsqu'elle est lésée les rend incapable de voir ce qui se trouve dans cette partie de leur champ visuel. Or il existe un autre canal qui ne passe pas par le nerf optique qui transporte des informations visuelles dans une autre partie du cerveau (l'amygdale) sur la zone occultée. Des expériences menées avec ces patients montrent que les informations issues de ce second canal sont bien intégrées par le cerveau. le fait extraordinaire est que ces informations échappent à la conscience du patient. Seul un dispositif expérimental permet de mettre en évidence cette information inconsciente du cerveau. Il n'y a pas la place ici pour rendre compte de ces expériences qui prouvent l'existence d'objets inconscients dans le psychisme : c'est une tâche difficile que Lionel Naccache mène à bien dans ce livre avec un sens de la complexité qui n'enlève rien au caractère spectaculaire des faits qu'il nous dévoile.

Après avoir caractérisé ces phénomènes neurologiques qui sont révélateurs de processus inconscients dans le cerveau, Lionel Naccache en s'appuyant sur les textes de Freud nous fait un exposé des principales caractéristiques du concept d'inconscient dans la théorie psychanalytique. Enfin il compare, point par point, ces deux concepts d'inconscient ; celui de la neurologie et celui de Freud.

Certains traits bien connus de l'inconscient freudien ne résistent pas à la comparaison. Ainsi la possibilité d'existence de souvenirs inconscients remontant à l'enfance est balayée : des contenus psychiques inconscients existent mais ils ne restent pas en mémoire. L'idée de refoulement inconscient aussi est réfutée par la neurologie ; ce livre montre clairement qu'un acte de censure telle que le refoulement ne peut être que conscient et non inconscient comme le voulait Freud dans le dernier modèle de sa théorie.

Au vu de ces résultats, Lionel Naccache se défend d'écrire à charge contre la psychanalyse. Dans la dernière partie de cet essai, il entend distinguer entre une théorie qu'il estime fausse et une pratique psychanalytique dont il entend montrer des effets positifs. Tel Christophe Colomb qui crut arriver aux indes, Freud avait cru découvrir l'inconscient alors qu'il avait en fait découvert une autre approche de l'étude de la vie consciente. Pour Lionel Naccache, Freud était un observateur hors-pair de vie psychique de ses patients. Il rend hommage au médecin viennois de n'avoir pu se satisfaire d'une approche strictement biologisante du psychisme que la biologie et la technologie de son temps n'était pas prête à étudier avec la finesse qu'autorise les outils du XXIè siècle (IRM, tomographie à émission de positrons etc.). Bien qu'athée et fort éloigné des pensées dualistes ou des théories de l'âme indépendante du corps, Freud ne pouvait se résoudre à réduire l'esprit à un tas de neurones. Comme médecin cette approche ne lui permettait pas de soigner. En inventant une nouvelle manière d'écouter ses patients, en attachant de l'importance à leur parole, Freud fut conduit à imaginer une partie de l'esprit où la conscience n'avait pas court. Il nomma inconscient cette entité théorique mais commis l'erreur de lui donner des attributs qui appartiennent à la vie consciente. le tort de Freud est d'avoir conceptualisé un inconscient anthropomorphe alors que l'observation scientifique ne met en évidence que différentes formes d'inconscient qui n'ont pas de mémoire à long terme et qui sont incapables de « refouler » des pensées anxiogènes.

Mais alors, si elle soigne, comment la psychanalyse soigne-t-elle puisque la théorie est fausse ? Dans un chapitre dont le titre a comme une petite résonance proustienne « La conscience retrouvée » Lionel Naccache développe avec des arguments neurologiques une vision de l'espèce humaine en laquelle Nancy Huston reconnaîtra « L'espèce fabulatrice ». Ici l'essayiste nous entraîne sur un terrain philosophique déjà bien balisé par des philosophes tels que Paul Ricoeur par exemple. L'esprit humain est une sorte de machine à interpréter le réel. Nos productions langagières, aussi bien les oeuvres de fictions que les paroles d'un patient sur un divan sont des fictions, c'est-à-dire, des sortes de théories qui mettent en mots un réel qui, à la fois nous dépasse et qui à la fois constitue notre seul cadre existentiel. Les fictions des grands artistes ne nous impressionnent que par une audace dont nous nous pressentons incapables. Pour autant nous n'en avons pas moins recourt aux mêmes outils fictionnels dans notre vie quotidienne. Dans un tel contexte théorique, l'art du psychanalyste ne consiste pas à décoder dans la parole les symptômes d'une vie inconsciente pour, en les rendant conscients, en supprimer les effets pathogènes. Il consiste, au contraire à guider le patient dans sa vie consciente pour l'amener à la reformuler dans un nouveau récit. Concluons en citant les dernières phrases de cet essai : « La psychanalyse freudienne me semble véhiculer cet art de composer notre existence sous la forme de ce roman sans cesse révisé que nous n'achevons jamais d'écrire. Freud avait-il fini par réaliser lui-même le niveau de réalité – psychique et non objectif – ce qu'il venait de mettre au jour ? J'ai exposé certains indices, notamment dans l'évolution de son rapport aux neurosciences, qui me laissent penser qu'il avait l'intuition de la signification véritable de sa découverte, mais ceci est ma croyance, c'est-à-dire une fiction consciente que je ne vous demande pas de prendre pour ce qu'elle n'est pas » !
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
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Ce principe a été souligné dès 1926 par Graham Wallas qui est l’auteur d’un ouvrage novateur sur la découverte scientifique intitulé The Art of Thought (Wallas, 1926). Utilisant des manuscrits autobiographiques du grand mathématicien français Henri Poincaré, probablement l’un des esprits les plus féconds de la première moitié du XXe siècle, Wallas a proposé un modèle descriptif de la découverte scientifique. Jacques Hadamard, qui fut un autre éminent mathématicien français, a lui aussi décrit le cours de ce processus en des termes assez proches dans son livre Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique (Hadamard, 1945 ; Hadamard, 1975). Ce que nous enseignent Wallas et Hadamard à propos du processus mental qui conduit à la découverte mathématique géniale, c’est qu’il obéit à un enchaînement précis de quatre périodes de travail intellectuel. La première de ces périodes, qualifiée de « période de préparation », est le socle fondateur de la découverte. Elle consiste à penser consciemment durant de longues heures à la nature du problème qui est posé, à en expliciter l’ensemble des termes de manière extrêmement approfondie en faisant appel à l’ensemble des connaissances déjà connues. Cette période peut être très longue et génère une intense sensation d’effort mental. Bref, la période de préparation correspond à la mise en place consciente du problème et à la formulation des pistes à explorer afin de guider la découverte à venir éventuelle.

À cette première étape du processus succède la période d’incubation, durant laquelle le mathématicien « abandonne » sa pensée consciente à d’autres préoccupations, et laisse pendant plusieurs jours son esprit vagabonder à d’autres choses qu’à la solution de son problème. Ce qui semble donc pertinent durant cette seconde phase de la découverte, c’est l’activité mentale inconsciente telle que nous l’avons déjà décrite : multiple, riche, évanescente, sensible aux influences conscientes. C’est précisément lors de cette période qu’une idée absolument nouvelle va être générée inconsciemment. Aussitôt créée, cette idée va accéder à la conscience du chercheur pour constituer la plus brutale et la plus courte des quatre phases, celle de l’« illumination ». Cette période de l’illumination correspond donc à la prise de conscience du fruit de la période d’incubation. Consciemment représentée dans l’esprit du mathématicien, cette pépite brute et jusqu’alors inconnue va faire l’objet d’un long travail conscient de vérification, d’affinage, à travers la quatrième et dernière période qui est celle de la « finition ». Cette description en quatre périodes semble fidèle au cheminement mental qui a conduit à de multiples découvertes mathématiques.

Elle nous permet de comprendre l’origine du raccourci qui sous-tend cette conception populaire selon laquelle les grands processus artistiques ainsi que les découvertes scientifiques majeures reposeraient sur l’activité de notre « inconscient ». Comme tout raccourci qui se respecte, celui-ci n’est pas totalement inexact, mais il pèche par omission. L’idée géniale est bien le fruit de notre activité mentale inconsciente. Mais cette activité mentale inconsciente serait impuissante à produire cette idée en l’absence des trois autres périodes de travail conscient, et notamment en l’absence de la période de préparation qui la précède. D’où les déboires de notre charcutier bordelais !
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La psychanalyse ne se résume pas à Freud, et j’ignore presque tout des autres courants analytiques qui se revendiquent par une filiation plus ou moins directe, ou par une antifiliation de même valeur absolue, de la pensée de Freud. Je dois toutefois reconnaître que sa pensée m’intéresse au plus haut point, du fait de l’itinéraire intellectuel qui a été le sien : il constitue une énigme pour tout neurologue. Comment comprendre l’évolution de la pensée de cet indiscutable génie des neurosciences qui l’a conduit depuis l’étude minutieuse du ganglion stomatogastrique du homard à celle des fantasmes infantiles des hystériques puis à de nombreuses formulations théoriques toujours argumentées par de riches interprétations cliniques ?

Pour tout neurologue travaillant quotidiennement à la Salpêtrière où Freud a visité Charcot, un sphinx est posé au cœur de l’hôpital qui chaque matin vous renvoie ces questions : pourquoi a-t-il choisi cette voie ? Qu’a-t-il pu comprendre d’essentiel qui permette d’établir un lien direct entre ses premières motivations, son cadre conceptuel qui, sous bien des aspects, reste proche du nôtre, et ses premières théories de la « psychologie des profondeurs » ? Bref, comment en est-il arrivé là ?

Il arrive qu’on se pose ce type de questions pour des « génies à problèmes ». Un génie à problèmes, c’est par exemple le joueur d’échecs Bobby Fischer ou le mathématicien Alexandre Grothendieck. Un être qui produit une œuvre ou une pensée exceptionnelle, puis qui semble entrer en rupture totale avec ce qu’il a été, rupture qui prend souvent la forme d’un processus existentiel complexe nuancé de mysticisme, de parapsychologie ou d’une pathologie psychiatrique délirante.

Le problème avec Freud, c’est qu’il n’appartenait pas à cette catégorie. Freud était un homme posé et équilibré, un homme continûment préoccupé par les mêmes questions qui transparaissent tout au long de sa vie et de son œuvre, avec d’ailleurs un souci constant de noter chacune de ses contributions afin de pouvoir en attester la paternité de manière indiscutable. Si Freud a évolué vers ce qui est couramment décrit comme une rupture entre les neurosciences et la psychanalyse, cette rupture ne remplit pas chez lui une fonction existentielle qui en relativiserait la signification. Cette rupture semble être le fruit d’un parcours intellectuel cohérent, ce qui nous encourage à en rechercher l’origine conceptuelle. Cette rupture s’est effectuée dans le calme et la continuité de sa réflexion, sans processus psychiatrique ni crise mystique manifeste. Sa pensée s’est en effet lentement clivée à partir de ses propres observations minutieuses et réfléchies. Ce processus continu l’a conduit à rompre avec la neurologie, ainsi qu’avec la forme traditionnelle du discours scientifique. Freud a changé de point de vue une fois pour toutes. Il partait pourtant de notre éducation de neurologue et était guidé par la même question, celle de la clé du psychisme humain. Pourquoi a-t-il choisi cette voie ?
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(95%)

Un psychanalyste qui croit au complexe d’Œdipe comme il croit à l’existence de l’oxygène est à mes yeux aussi affligeant et inutile qu’un professeur de littérature qui croit aux interprétations des textes qu’il enseigne à ses élèves de la même manière qu’il croit à la réalité de la salle de classe dans laquelle il se trouve.
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Il existe probablement des secteurs anatomiques qui ne participent jamais à notre contenu conscient, mais le résultat fondamental tient au fait qu’il n’existe aucune région cérébrale dont l'activité serait exclusivement et nécessairement réservée aux pensées conscientes.
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Vidéo de Lionel Naccache
Le sommeil des Français se dégrade depuis plusieurs années, et cela ne va pas en s'arrangeant. En moyenne, nous ne dormirions que 6 h 58 par nuit et serions un dixième à prendre régulièrement des médicaments pour combattre les insomnies. Comment réapprendre à bien dormir ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Isabelle Arnulf, neurologue, directrice de l'unité des pathologies du sommeil de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et chercheuse à l'Institut du cerveau et de la moelle épinière Lionel Naccache, neurologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et chercheur en neurosciences à l'Institut du Cerveau et professeur à Sorbonne Université.
Visuel de la vignette : La méridienne, Vincent van Gogh - VCG Wilson / Getty
#neuroscience #santé #sommeil _________
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