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Citation de Charybde2


Ne sont-ils pas amusants ces socio-démocrates du Trecento, avec leurs herbes odoriférantes brandies devant la mortelle pestilence ? Ils veulent continuer, les pauvres, comme si de rien n’était, en espérant, on ne sait trop comment, que ça finira bien par se résoudre. Ce sont les apôtres du business as usual. Alors que d’autres, enfin, ont parfaitement compris qu’ « il n’y avait pas de meilleure médecine, ni même d’aussi bonne, contre les pestilences, que de fuir devant elles ». On ne peut pas leur donner tort. Ah si, on peut bien sûr, on peut leur donner tort lorsqu’ils ne se soucient « de rien sinon d’eux-mêmes » et qu’ils abandonnent tout, « leur propre cité, leurs propres maisons, leurs domaines, leurs parents et leurs biens ». Après eux le déluge ! Les voilà enfin les tenants du sécessionnisme, et on sait ce que ça a donné en ce premier vingt et unième siècle, ces fanatiques qui s’installèrent dans des îles (« il y aurait là-bas, à l’autre bout du monde, une île ») au large d’une Silicon Valley qu’ils avaient détruite, en même temps que le reste du monde. Là, encombrés de leurs milliards, ils auraient pu goûter aux boissons et aux mets les plus fins, s’ils disposaient encore d’un corps et d’affects mais non eux ne souhaitaient plus même tromper la mort, ces fous, ils voulaient l’annuler. Plus rien ne les intéressait qu’eux-mêmes, transformés en hyper-individus cosmiques qu’aucun attachement à une commune humanité ne reliait encore.
Ils souhaitaient en finir avec l’humanité littéraire dont ce musée porte un témoignage, mes amis, cette humanité fondée par des liens et des attachements, cette humanité que la mortelle pestilence a ravagée. Et si le sécessionnisme m’a toujours fasciné, ce n’est pas à eux que je le dois, non, ils me font horreur alors qu’un autre sécessionnisme est possible. Je pense par exemple à ces petits groupes se détachant d’une plus large communauté pour faire bande à part, un peu comme dans un film de Takeshi Kitano. On y voit des bandes d’éclopés de la vie qui ne choisissent même pas vraiment de faire un bout de chemin ensemble, mais se retrouvent là par hasard, sur un chemin qui les mène à une plage, où ils commencent à jouer à un jeu d’échecs à taille humaine, et c’est tellement beau qu’on aimerait être avec eux, sur la plage abandonnés. Non je ne dois rien aux transhumanistes. Si le sécessionnisme me fascine, c’est que j’ai été biberonné à une autre de ses formes, lorsqu’on a traversé la nuit et atteint le point du jour, lorsque les substances nous ont aidés à suspendre le cours d’un temps qui pourrait durer mille et une années – en after. Cette suspension ne tient qu’à un fil si j’ose dire, le fil de nos liens, des liens temporaires et fragiles. C’est cela qu’on recherche, plus encore que la drogue, et si c’est la drogue qu’on recherche, alors rien ne va plus. Ce que j’aime, c’est le temps suspendu, la mort que l’on trompe, et ce sécessionnisme-là n’a rien à voir avec ceux qui veulent l’annuler, la mort, ces Prométhée de pacotille.
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