Après cette visite, le silence et le malaise.
Le professeur d'anglais s'était enfermé dans la chambre de Janek, la flic s'était affaissée sur le canapé, un mug de café dans la main droite. Des corps mutilés, des morts par balles, des cadavres en décomposition, elle en avait déjà vu un certain nombre au cours de ses enquêtes mais chaque fois qu'il s'agissait d'une jeune fille, elle ne pouvait s'empêcher d'y superposer un autre visage féminin. C'était plus fort qu'elle. Son passé lui revenait comme un boomerang. Elle avala une gorgée de café, déjà tiède, essaya de chasser le maquis corse, la silhouette fine, les cris douloureux. Le passé forçait le barrage de sa raison, anéantissait ses efforts de divertissement, et lui imposait des images glaçantes. Elle termina son mug, frotta ses yeux noirs encore maquillés de la veille et tenta d'ébouriffer de la main gauche ses cheveux blonds trop courts.
Un mot sur un papier, c’est tout ce qu’elle avait laissé…
Quelques mots jetés sur une feuille blanche dépliée et déposée en évidence sur la console en bois de l’entrée où, dès son retour du travail, elle savait qu’il avait l’habitude de déposer ses clefs, son portable et ses soucis de la journée.
Pourtant, ce vendredi soir-là, c’est à l’intérieur qu’un tourment l’attendait, un tourment insoupçonné et inattendu aussi soudain qu’un orage un soir d’été.
Il paraissait serein, presque heureux, comme en partance vers un ailleurs, promesse de bonheur et de bien-être. Lui vint soudain la pensée folle de l'attraper par la main, de descendre au prochain arrêt et de l'entraîner au hasard dans le premier train venu, au gré du trajet, au petit bonheur la chance.