Il avait lu des tas d'ouvrages avant de passer à l'action. Des livres sur la torture au Moyen Age, les récits de bourreaux, allant même jusqu'à se délecter d'un document plus contemporain sur la gestion de la barbarie, le manuel du parfait petit djihadiste, pensé et écrit par et pour des tortionnaires modernes.
On eût dit que le jour et la nuit commandaient l'homme, voire que deux personnages cohabitaient, l'un écrasant l'autre à la tombée du jour et vice versa.
La première nuitée qui avait suivi son arrivée s'était soldée par une course- poursuite dans les couloirs de l'hôpital, ce qui lui avait valu une affectation d'office en psychiatrie. Désorienté, incapable ensuite de se souvenir de quoi que ce soit, l'homme était entré en transe, poussant des hurlements et cherchant à fuir le malin, comme il le disait.
Quand on sait qu'un suicide a lieu toutes les quarante secondes dans le monde, on peut se dire que personne n'est à l'abri.
D'ailleurs, le pauvre flic, qui arrivait tout droit de la région de Cassis, ne comprenait pas grand-chose à ce patois boulonnais d'un autre âge, lui plutôt habitué aux "putaïn" et "peuchère" chantants de sa région natale.