Contrainte d’arrêter ses études en classe de seconde, ma mère a toujours eu une passion pour les livres. Aujourd’hui encore, elle lit trois ou quatre ouvrages par semaine, des romans comme des essais. Elle nous a élevés, dès la plus petite enfance, avec un exercice quotidien assez particulier. À chaque dîner, de façon quasi rituelle, elle nous incitait à réfléchir sur le sens des mots. Je me souviens, entre autres, de discussions sans fin sur des termes désignant des qualités ou des défauts : qu’est-ce que l’arrogance, l’orgueil, la vanité, la présomption, la différence entre l’envie et la jalousie, etc. Elle nous invitait sans cesse à discerner les nuances les plus fines entre ces notions voisines. C’était assez amusant et original quand on y repense, vu de nos soirées télévisées d’aujourd’hui. En fait, nous n’étions pas très loin d’une dissertation de philosophie. Cet exercice intellectuel m’a laissé un souvenir durable.