Encore une petite merveille !
Les publications des éditions Anacaona ne cesseront jamais de m’étonner et de m’émouvoir. Ce roman destiné à la jeunesse (mais pas que) nous plonge au cœur d’une sombre période, à la fois proche et lointaine. L’histoire se déroule au début de la Seconde Guerre mondiale. Le Brésil – immense pays à la faible densité de population – avait à cette époque besoin de travailleurs, notamment pour ses plantations de café. Des Japonais s’y installèrent, dans l’espoir de cultiver leurs propres terres et de posséder leur propre ferme. Nombre d’entre eux ne pourront jamais retourner dans leur pays, en grande partie détruit par les bombes.
Les livres de Sayuri commence par un enterrement. Étrange car, comme l’affirme Sayuri – personnage et narratrice du récit – personne n’est mort. C’est un enterrement de livres. Tous les livres japonais doivent disparaître, le Brésil et le Japon étant ennemis. Sayuri décide alors de cacher un livre, celui que sa maman lui a promis, le premier qu’elle devait lire. Personne n’est au courant.
Des écoles ferment leurs portes, l’effroi s’installe, doucement mais sûrement. Malgré cela, la vie suit son cours. Il y a tant à faire. Sayuri, comme ses frère et sœur, sa mère et son père, ses voisins et amis, maintient un semblant de vie quotidienne. Entre les vers à soie dont il faut prendre soin, les repas à préparer, la lessive, les offrandes pour les dieux, chacun s’affaire, tentant d’oublier – peut-être – le danger qui rôde, partout. Les paroles des adultes, leurs silences, ne rassurent pas les plus jeunes.
C’est alors que la petite communauté japonaise s’organise pour que les enfants suivent des cours. La nuit. Les enfants, éclairés par leurs seules lanternes, bravent leur peur et se rendent, coûte que coûte, à l’école de fortune. Le rêve de Sayuri – lire et écrire – prend forme, si fragile soit-il dans un tel contexte historique. Lettres éphémères tracées sur le sol, cahiers enfouis au fond d’un panier…. Les scènes sont empreintes d’une très grande douceur.
L’auteure s’est inspirée de l’histoire de sa propre mère, similaire à celle de Sayuri. Elle puise dans ses racines japonaises pour nous offrir un texte de très belle qualité et des illustrations magnifiques réalisées à la mine de crayon.
Viennent des larmes d’émotion, à la fin. Je décide d’offrir une lecture à mes élèves. Lorsqu’ils apprennent que le livre a été publié par les éditions Anacaona et traduit par Paula, ils sont joyeux. Ils se rappellent leur travail autour de Tonton Couture. Pas un bruit dans la classe. Ils ne veulent surtout pas que j’entame un chapitre que je ne pourrais pas terminer, à cause de cette fichue sonnerie qui rythme nos journées et nous rappelle à l’ordre. Alors on fait durer le plaisir, on discute, on en apprend un peu plus sur la vie des japonais installés au Brésil, sur le déracinement, sur l’éducation et l’amour, sur la résistance. Trois mots – "C’est fini ?" – ponctuent la lecture mais leurs yeux disent autre chose, je commence à bien les connaître. Ils sont conquis, tout comme moi, par cet hommage de Lucia Hiratsuka à ces femmes, ces enfants et ces hommes résistants qui ont osé faire tourner le monde différemment.
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