Lucile Desmoulins

Je n'imaginais pas cet ouvrage aussi imposant ni aussi splendide. Il pourrait faire peur à de simples néophytes qui n'auraient pas de connaissance poussée sur le Moyen-Âge, l'art de l'enluminure ou la poésie (quelqu'un comme moi quoi). Une peur qui se trouve finalement être non justifiée tant tout est fait pour que le lecteur se sente à l'aise.



Cet ouvrage des éditions Diane de Selliers débute par une préface très instructive de Michel Zink, qui met très bien en évidence le lien qui unit amour, poésie et par ce fait l'art de l'enluminure.



Viennent ensuite les 110 poèmes et 200 peintures qui composent l'essentiel de l'ouvrage.

Je dois avouer que les poèmes (tous en langue française contemporaine) m'ont été plus difficiles d'accès, non que je sois totalement hermétique à la poésie mais c'est un genre que je n'affectionne pas particulièrement, sauf lorsqu'il y a une certaine "logique narrative", ce qui n'est pas le cas ici. J'ai toutefois beaucoup aimé A la Fontaine du Verger ainsi que Quand vint le mois de mai où la rose est épanouie. J'ai été assez surprise par la liberté de ton de ce poème-ci (voir ma citation). D'une manière générale, les poèmes qui figurent dans ce recueil chantent clairement l'amour (ou plutôt l'insatisfaction amoureuse), avec une grande sensibilité la plupart du temps.



Si les poèmes sont transcrits par ordre chronologique, ce n'est pas le cas des enluminures et c'est dommage. J'aurais aimé pouvoir découvrir l'évolution de cet art sur toute cette longue période qu'est le Moyen-Âge.

L'enluminure est un art qui me subjugue : quelle beauté ! Et voir ces miniatures en pleine page leur rend honneur. On y découvre une piété religieuse certaine, beaucoup de scènes de la vie courante (fiançailles, jeux, récoltes...), de nombreuses scènes de guerre, des allégories de la Mort et bien-sûr la nature, la faune, la flore et le travail agricole.

Le style est un peu "naïf" en ce qu'il ne respecte pas les proportions et les perspectives. Mais le trait est toujours délicat et raffiné, les couleurs éclatantes.

J'ai été époustouflée par la représentation des visages si précise et humaniste et le choix des couleurs dans les Très Riches Heures de Marguerite d'Orléans (Le Christ devant Pilate et La Récolte des lettres sont magnifiques). J'ai été tout bonnement subjuguée par le Climat, oeuvre très moderne de Bathélémy l'Anglais extraite du Livre des propriétés des choses.



L'ouvrage est très utilement complété par une notice biographique des poètes, une notice sur les principaux enlumineurs qui permet d'en apprendre plus sur l'évolution technique et stylistique de cet art particulier, un répertoire des termes poétiques et une chronologie qui permet de situer les oeuvres culturelles dans leur contexte historique. Pour compléter cet ouvrage déjà très fourni, un livret a été ajouté qui permet de lire certains poèmes dans leur langue d'origine. Je regrette seulement qu'il n'y ait pas de référence au livret dans le livre, pour mettre en parallèle le poème d'origine et sa transcription en langue française d'aujourd'hui.



J'ai été bien longue, j'espère que certains d'entre vous auront eu le courage de me suivre jusqu'au bout car c'est un ouvrage qui en vaut vraiment la peine. Il est certes à un prix un peu élevé mais pour les amateurs, cette somme semblera dérisoire tant la qualité de l'oeuvre est grande.



Challenge Multi défis 2016

Comment vous dire ?



J'ai encore des souvenirs des cours d'histoire qui traitaient du Moyen-Âge. Mais après la lecture de ce magnifique ouvrage de collection, j'ai envie de crier sur mes professeurs.

Pourquoi ?

Parce qu'ils ont dépeint un Moyen-Âge crasseux de guerres et d'épidémies alors que non, il n'y avait pas que ces abominations négatives à cette époque.

Avec Le Moyen-Âge flamboyant, j'ai découvert au travers, des poèmes et des illustrations, des scènes de vie, des histoires d'amour, des coquineries et de l'humour.

Les écrits sont subtiles, les choses coquines étaient dites de manière détournée. Je pense notamment à "Ensemble avec mon ami". Je pensais également que le Moyen-Âge était une période chaste, puritaine. Je me suis bien trompée. Lisez donc "Par la beauté nominative" ... un écrit raffiné, tout en finesse.



Dans plusieurs autres poèmes j'ai ressenti la tristesse et le déchirement que subissait les aimés lorsque que la guerre s'interposait entre eux. Dans "Quand le froid, la glace et la neige", c'est le combattant qui pense à sa bien-aimée et s'accroche à la vie en pensant à elle. Tandis que dans "Maintes fois on m'aura demandé" c'est l'inverse. L'amoureuse espère que son bien-aimé reviendra. Rappelons que cette période compte bon nombre de guerre et que c'était l'époque des Croisades. Il n'y en a pas eu qu' une seule.



Quant aux illustrations, elles sont sublimes. Elles reflètent parfaitement la vie de l'époque, les préoccupations des villageois. La guerre, l'amour, la mort et la religion sont les thèmes récurrents des peintures. Je constate une nette progression dans le dessin. Au début du Moyen-Âge, les proportions sont mauvaises et les perspectives inexistantes. Les illustrations sont visuellement simples et plus on avance dans le temps, plus les illustrations s'étoffent. On reconnait les courants artistiques... L'art gothique, très présent dans l'ouvrage, a succédé à l'art roman (style simple, épuré). On note aussi la présence du style renaissance, ce qui est très intéressant puisque gothique et renaissance se sont partagés presque deux siècles d'histoire. Étant fan d'enluminures et d'art au sens large, autant vous avouer que ce recueil m'a captivée.



Je pourrais continuer longtemps comme ça à vous écrire ma joie d'avoir été sélectionnée par Babelio et les Éditions Diane de Selliers. Je suis heureuse d'avoir pu lire un tel ouvrage. Je vais lui trouver une place de choix dans ma bibliothèque. Un grand merci à vous.

Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.



Dans la catégorie des beaux livres, Le Moyen Age flamboyant édité par Diane de Sellers est un exemple enthousiasmant. Lové dans un coffret bleu sombre qui annonce la couleur - celle du Moyen Âge -, le livre est en fait double : un recueil de poésie illustré par des peintures et enluminures médiévales, et un livret où l'on retrouve les poésies dans leur langue d'origine : langue d’oïl, langue d'oc ou moyen français. Cela garantit l'intégrité scientifique et littéraire de l'ouvrage, puisque les mécontents de la traduction - dont je ne suis pas - y retrouveront la musicalité et la rythmique originelles. Si le livret n'est pas un faire-valoir, puisque le papier a été choisi avec soin bien que la sobriété la plus extrême caractérise son contenu, c'est le livre-recueil qui doit bien naturellement attirer notre attention.



Le livre rassemble 110 poèmes écrits entre le XIIème et le XVème siècle, une période marquée par l'apparition de l'amour courtois et de sa célébration dans les écrits des troubadours, des trouvères et même des princes. L'amour y est déclamé de façon exaltée, mélancolique, ironique même parfois, et toujours passionnée. Michel Zink, dans sa préface, l'affirme : "On doit au Moyen Âge d'avoir tissé le lien indissoluble entre la poésie et l'amour". Ce livre en fournit la preuve.



Les peintures et enluminures présentées sont un atout majeur de l'ouvrage. La qualité de l'impression rend avec une grande fidélité les couleurs et les détails, tant ceux des personnages peints que des décors, jamais laissés à l'abandon. A la fois témoignage visuel des sociétés de cour et idéalisation du paysage - qui naît aussi, comme concept, à cette époque - perçu comme un décor paradisiaque aux relations amoureuses. Le paysage, c'est la campagne aux arbres touffus, aux rivières calmes et au bon laboureur (ainsi la peinture de Robinet Testard) mais c'est aussi la ville, pleine de hautes tours et où surgissent les pignons gothiques (ainsi la peinture de Jean Pichore, ou celle du maître d'Antoine Rollin). Quelques détails surprenants surgissent : des cœurs ailés, un bestiaire imaginaire (comme la peinture du peintre d'Etienne Sauderat), des démons incitant à la luxure. Monde idéal, mais monde guerrier aussi : les villes et les châteaux peuvent brûler (ainsi le maître de Girart de Roussillon), la mort menace le poète qui sait se faire soldat (le maître du Froissart sait rendre la menace des armures brillant dans le crépuscule de l'été).



Dans l'un des poèmes, Peire Vidal affirme : "En toutes choses, je me montre chevalier [...] jamais on ne vit quelqu'un de si charmant en chambre qui, sous les armes, fut si farouche et si terrible". L'amour n'est point chose honteuse pour les hommes ; affirmer ses sentiments n'est pas perdre sa virilité. A ceux qui en douteraient, ces poètes lyriques se disent aussi redoutables guerriers. Cette poésie, destinée à être lue voire chantée, n'est pas un art caché.



Ainsi le livre rend-il pleinement hommage à la flamme du Moyen Âge, celle du sentiment amoureux, celle de la séduction, celle, plus triste, des peines du cœur. C'est en cela que la deuxième partie du Moyen Âge fut flamboyante. Le livre ne saurait être lu comme un essai ou un roman, dévoré et aussitôt digéré. Il s'agit davantage d'une grappe délicate dont il faudra cueillir, jour après jour, et selon l'envie, les grains toujours sucrés et parfois amers, afin de les déguster sans modération aucune.

Ouvrage époustouflant de raffinement, on ne se lasse pas de le relire et le contempler. Il met à l'honneur la poésie et l'enluminure de la fin du Moyen âge, qui méritent d'être mieux connus. En plus, un fascicule qui contient les poèmes en version originale (ancien français) accompagne le livre. Cela était essentiel pour moi, d'autant plus qu'il s'agit de poésie. Ce livre est un pur régal, il contient en plus à la fin beaucoup d'informations qui permettront à tout lecteur de s'y retrouver de bien comprendre la poésie du Moyen âge. A savourer !