Lucile Maiseau

Quand j'ai caressé la joue de ma fille, quand j'ai pu la découvrir, je me souviens avoir eu besoin de prendre du temps pour comprendre que c'était bien elle, qu'elle venait de moi. C'est en la touchant que j'ai su, et c'est en repensant à sa peau que je sais. A cet instant, quelqu'un a pris mon coeur et l'a coupé en deux, d'une lame terriblement mal aiguisée. Jamais je n'aurais pu imaginer ressentir cet amour pour quelqu'un, jamais je n'aurais pu imaginer cette douleur pour quelqu'un.

Je me remémore mon accouchement et à quel point j'aurais aimé que cette journée ne s'arrête jamais. J'en garde un souvenir merveilleux. J'avais le sentiment d'être une maman normale qui attendait patiemment la venue de son nouveau-né vivant. J'étais comme les autres. Presque comme les autres car, accablée par la douleur, je savais que tout serait fini lorsqu'elle sortirait.

Miki est née le 18 août 2018, sans un souffle, dans le plus grand des silences. Lui donner naissance a été un moment hors du temps, empli de beauté et d'une tristesse infinie. Pour ce que nous avons vécu et tout ce que nous ne vivrons pas, je suis fière de mon amour, Julien, de ma fille et de moi. Qu'elle ne soit jamais oubliée et qu'on se souvienne pour toujours qu'elle avait le nez de son papa et la bouche de sa maman.

J'aurais voulu être à l'intérieur de son corps, faire partie de ses cellules, faire bouger ses doigts et ouvrir sa bouche. Je lui en veux de nous avoir laissé. Notre petite fille, notre toute première petite fille. Comment a-t-elle pu mourir ? Je l'aurais tant aimé, je l'aimais déjà tant.

Elle a changé ma vie, m'a fait devenir quelqu'un d'autre. Pour ça, je ne changerai pas ce qui est arrivé.