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Citation de jmlire92


C'était avant la dictature, au temps des lampes à kérosène. Y avait cette enfant qui n'aimait ni les poupées ni les moustiquaires. Sa mère lui rendait la vie dure et menaçait de ne plus lui acheter de carnets car elle s'abîmait les yeux à écrire nul ne savait quoi alors que la nuit était tombée depuis longtemps et qu'on n'y voyait plus très clair.

Moi, la Veilleuse du Calvaire, qui fus si peu enfant, un jour je lui ai demandé à quel jeu elle jouait la tête baissée sur ses carnets. " Je plante des mots. Pour grandir, il suffira qu'ils passent par les yeux et les bouches de mes amies".

Ils ne sont passés nulle part. Un jour la mère en furie a allumé un grand feu dans la cour et brûlé les carnets. Et ses amies qui avaient pourtant lu ses mots ne lui portèrent pas secours. La fillette en est restée muette pendant des années. La mère est morte depuis longtemps et la fillette doit être une très vieille femme. Peut-être a-t-elle rompu avec les paris de son enfance et ne parle-t-elle plus à personne. Moi, la veilleuse du Calvaire, qui ne m'avoue jamais vaincue et ne cède rien au malheur, je préfère croire qu'elle plante des mots dans un quelconque ailleurs, sur une colline où poussent encore des arbres.

La maison est restée vide. Le temps lui a enlevé ses vitres et ses couleurs, des briques et des tôles. Dans la cour abandonnée, il ne reste rien pour témoigner que vécurent là deux femmes. Rien. À part une vague odeur de kérosène.
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