Pour distraire mes soirées, j'écoute et je regarde vivre la clientèle mêlée qui fréquente l'établissement : vieux habitués, gros industriels, porteurs de la gare, employés du gaz, police, souteneurs, gestapo, princes du marché noir, petits bureaucrates, institutrices en veine d'un repas abondant, pas mal d'allemands aussi de tous grades et de tous uniformes. Mon goût pour le spectacle humain a de quoi se satisfaire – à croire que ces gens sont là réunis pour me donner chaque soir la comédie par leurs gestes et leurs propos. Au milieu de ce monde bizarre, passent régulièrement des petites soeurs des pauvres qui viennent quêter à midi, et le soir un violoniste famélique tire quelques sons de son violon et obtient de la patronne un dîner somptueux.