A peine le sous-lieutenant entendit-il cette menace apparemment définitive qu'il leva le visage et s'aperçut que l'individu au bonnet rouge s'apprêtait à envoyer en arrière la massue qu'il avait entre les mains. Son esprit s'emplit si rapidement d'images que la fraction de secondes où il reprit vie lui sembla une éternité. Le jeune Arrieta perçut l'odeur rance qui émane de la laine sale des moutons tondus, les relents d'alcool si communs chez les Indiens de la région, l'arôme de la feuille de coca mélangée à la salive, et il comprit aussi que son agresseur était ivre, sous l'effet de la drogue et que son poncho avait été tissé quelques jours auparavant.
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«Après l’avoir plusieurs fois appelé à voix haute en vain, il sentit un froid immense pénétrer par son nombril, se disperser vers le bas, à l’intérieur des testicules, puis remonter vers le haut, au creux de l’estomac, se diriger vers la trachée puis la gorge pour la serrer et provoquer une douleur à mi-chemin entre le sanglot étranglé et la pharyngite.»