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Citation de AMR_La_Pirate


Pour la première fois, Carvalho remarqua un air décontenancé chez M. Lebrun qui photographiait du regard les quatre coins de la pièce, et les photographies obtenues ne cadraient pas avec la conversation sur les vins qu’il venait d’entendre entre le détective et ce bout d’homme. Le premier instantané avait saisi un bureau délabré des années quarante, pour ainsi dire rescapé d’une liquidation de décors appartenant à un producteur de films d’Humphrey Bogart. Le deuxième avait repéré tous les défauts de la toilette de Carvalho, amalgame de soldes choisis à la va-vite, devina M. Lebrun ; quant à Biscuter, il avait du s’habiller pour la dernière fois un jour interminable des années cinquante et ne s’était plus jamais séparé de ses habits, même pour les laver. Il est vrai que la propreté et la taille de l’étrange assistant pouvait laisser croire qu’on le mettait directement à la machine à laver sans le déshabiller. La troisième photographie, par delà le rideau, avait retenu l’image d’un recoin où coexistaient le réfrigérateur, une douche, la cuvette des WC, un grabat et la petite cuisinière au gaz butane. La quatrième photographie les concernait tous : comment pouvait-on prendre un verre de pouilly-fumé dans un cadre pareil, servi par un esclave digne de Fu Manchu ?

[…]

En Espagne, presque plus personne n’utilise le mot « cabinet » pour désigner les cabinets. En Espagne, presque plus personne n’appelle les choses par leur nom. Presque tout le monde dit « lavabo », qui est un mot pasteurisé pour le mot français « toilettes ». Les gens à la page d’aujourd’hui veulent oublier qu’ils chient, qu’ils pissent, qu’ils baisent et qu’ils meurent.

[…]

Carvalho eut soudain l’impression qu’on lui injectait une dose de peur dans les veines. Dix ans plus tôt, il aurait assumé son mensonge, le corps prêt à se défendre de toute agression. Maintenant, il vivait dans un déphasage perpétuel entre la forme et le fond, comme si son corps et son esprit se désintéressaient de sa musculature au moment d’affronter la violence d’autrui. Tu te fais vieux, songea-t-il et ce n’était pas très indiqué pour comparaître devant cet homme jeune et athlétique, dans presque tous les sens du terme.
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