L'historien Marc Renneville pose son regard sur la collection personnelle du principal artisan de l'abolition de la peine de mort, Robert Badinter, qui figure parmi l'une des plus emblématiques de l'histoire des crimes et des peines en France.
Clôture musicale sur les complaintes criminelles, avec Maxou (Jean-François Heintzen) à la vielle.
Marc Renneville est historien au CNRS. Il dirige la plateforme numérique Criminocorpus, histoire de la justice et des peines. Il est notamment l'auteur de Crime et folie, deux siècles d'enquêtes médicales et judiciaires (Fayard, 2003) et Vacher l'éventreur, archives d'un tueur en série (J. Millon, 2019).
Conférence organisée à l'occasion de l'exposition « Une passion pour la justice. Dans la bibliothèque de Robert Badinter », du 14 septembre au 12 décembre 2021, BnF | Bibliothèque de l'Arsenal :
https://www.bnf.fr/fr/agenda/une-passion-pour-la-justice-dans-la-bibliotheque-de-robert-badinter
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Depuis la faute originelle d’Adam, l’homme vit dans une tension continue entre l’attraction du mal et la nécessité du bien, comme l’explique l’oratorien Jean-François Sénault dans L’Homme criminel : « Il n’y a point de vertu morale qui ne tire sa beauté de la laideur du péché, et qui ne doive la meilleure partie de sa gloire à l’insolence des monstres qu’elle attaque : si nos inclinations n’étaient déréglées, la continence n’aurait point d’emploi ni de mérite, et si la douleur n’était née avec le crime d’Adam, la patience et la force ne remporteraient plus de victoires ». Cette tentation du mal se transmet de génération en génération, sans transmission systématique d’une « prédisposition au vice ».
Le criminel, heritier du péché originel
Les criminels sont-ils des êtres moralement différents, anormaux et pathologiques ? Cette question est récente. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, le criminel est identifié au pécheur. Les sociétés occidentales forment une civilisation dans laquelle les plus grands péchés sont la luxure et le blasphème, non le vol, l’abus sexuel ou l’assassinat1. L’homme qui transgresse la loi n’est pas tant un anormal qu’un être faible n’ayant pas su ou voulu résister aux tentations auxquelles l’inclinaient ses passions. Le criminel est celui « qui a fait un crime, celui qui a commis une faute », le « crime » est une « faute qui mérite punition », une « faute énorme », un « péché ». La « faute » est « une espèce de crime, péché », et la définition du péché renvoie à la « faute contre Dieu2 »…
Les magistrats suivent un enseignement fondé sur le triple héritage du droit romain, du droit canonique, de la théologie, et ils sont convaincus que Dieu a doté l’homme de la faculté de choisir librement entre le bien et le mal. Si tout chrétien est tenté par le mal, celui qui y succombe est pleinement responsable de ses actes. Ni la prédestination calviniste ni le jansénisme gallican n’ont en France un écho suffisant pour ébranler ce dogme du libre arbitre.