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Citation de Henri-l-oiseleur


Le reproche qui est fait aux écrits babyloniens d'être une pseudo-science, est enraciné dans le préjugé culturel qui voit dans le système scientifique aujourd'hui dominant le meilleur possible, et même le seul vrai. Les érudits que j'ai cités sont en quête de taxinomies, de hiérarchies, de généalogies et autres classifications. Peut-être semblent-elles naturelles et universelles, mais ce n'est pas le cas. A la fin du XX°s, on a commencé à critiquer ce que les philosophes et psychanalystes Deleuze et Guattari ont appelé la structure "arborescente". L'arbre généalogique n'est ni l'unique, ni la meilleure façon de représenter la science. A sa place Deleuze et Guattari proposent le "rhizome" - image de la science qui rappelle les racines de certaines plantes, qui se développent horizontalement et sont capables de s'étendre sans limites. Aucun centre, aucune dialectique, aucune hiérarchie, chaque point connecté à tous les autres et également important. C'est une chaîne sémiotique associant des actes très divers. Peut-être la résistance intuitive à ce modèle disparaîtra-t-elle quand nous verrons à quel point il structure le savoir sur internet, cette source de connaissances dont nous dépendons si étroitement désormais. Les recherches Google et autres sont sans doute fondées sur des algorithmes, mais les listes qu'elles produisent ne peuvent nous donner des taxinomies claires ni des hiérarchies.

Il faut se rappeler que le modèle "arborescent" du savoir scientifique aujourd'hui dominant, est une métaphore choisie parmi d'autres... Le célèbre arbre généalogique inventé par Darwin pour représenter l'évolution des espèces peut sembler l'unique modèle pour concevoir les complexités de l'histoire naturelle. Mais nous savons par la lecture de ses cahiers qu'il avait projeté d'employer la métaphore du corail pour exposer son modèle explicatif : ni à sens unique, ni hiérarchique, mais ouvert à l'addition et à l'agrégation dans toutes les directions. Un moment, il tenta d'imaginer les forces de l'évolution comme un morceau de corail, non comme un arbre s'élevant en déployant ses branches... Les Babyloniens auraient immédiatement compris la métaphore du corail, qui ressemble tant à leurs listes représentant le savoir, avec ses ouvertures au changement. Partout, on peut ajouter et retrancher des éléments, qui se relient de façon cohérente aux autres éléments de l'ensemble. Il y a bien plus de points de contact entre les éléments individuels que dans une taxinomie ... Si la structure globale de la liste a l'air d'un labyrinthe, toutes les connections ont leurs raisons propres. Là où nous voyons du chaos, les Babyloniens voyaient un ordre.

pp. 222-223
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