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Citation de Henri-l-oiseleur


Mais la pensée de mon esclavage cessait tout d'un coup de me peser, et je souhaitais de le prolonger encore parce qu'il me semblait apercevoir qu'Albertine sentait cruellement le sien. Sans doute, chaque fois que je lui avais demandé si elle ne se déplaisait pas chez moi, elle m'avait toujours répondu qu'elle ne savait pas où elle pourrait être plus heureuse. Mais souvent ces paroles étaient démenties par un air de nostalgie, d'énervement. Certes, si elle avait les goûts que je lui avais crus, cet empêchement de jamais les satisfaire devait être aussi irritant pour elle qu'il était calmant pour moi ; calmant au point que l'hypothèse que je l'avais accusée injustement m'eût semblé la plus vraisemblable si dans [sans] celle-ci je n'eusse eu beaucoup de peine à expliquer cette application extraordinaire que mettait Albertine à ne jamais être seule, à ne jamais être libre, à ne pas s'arrêter un instant devant la porte quand elle rentrait, à se faire accompagner ostensiblement, chaque fois qu'elle allait téléphoner, par quelqu'un qui pût me répéter ses paroles, par Françoise, par Andrée, à me laisser toujours seul, sans avoir l'air que ce fût exprès, avec cette dernière, quand elles étaient sorties ensemble, pour que je pusse me faire faire un rapport détaillé de leur sortie. Avec cette merveilleuse docilité contrastaient certains mouvements, vite réprimés, d'impatience, qui me firent me demander si Albertine n'aurait pas formé le projet de secouer sa chaîne.

Pléiade III, p. 682, La Prisonnière.
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