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Citation de John_P


Il y a dans un drame célèbre de Paul Claudel, L'Annonce faite à Marie, une scène déchirante, qui m'avait puissamment émue dans le temps béni où ceux que j'aimais me semblaient éternels. Peut-être avons-nous comme une prévision de nos malheurs, car j'éprouvai une sorte d'excessif assentiment en entendant la phrase suivante criée par une jeune mère berçant le cadavre de son enfant qu'elle s'obstinait à vouloir allaiter encore : "Non, non, ce n'est pas assez d'amour, si l'on n'a pas le pouvoir de ressusciter les morts !" Michelet, que Marcel Proust aimait passionnément, présente sous une forme différente la suprême stupeur que la mort cause aux survivants, indéfiniment lésés. Selon le grand historien lyrique, dans l'énigmatique et farouche Bretagne, si souvent et si pieusement visitée par Marcel Proust, des fées hargneuses, issues de l'imagination populaire, s'accroupissaient, le jour des Morts, sur les sombres tombeaux, et, de loin, criaient à quelques rares passants : "Eloigne-toi de mon trépassé !" Pour nous, qui voyons se rétrécir d'heure en heure le temps qui nous reste à vivre dans la privation des tendresses rassurantes et suaves, nous hausserons jusqu'à la lumière du jour, autant qu'il nous sera possible, nos trépassés ; nous les garderons à nos côtés ; nous attendons d'eux qu'ils nous guident vers le séjour paisible où déjà nous faisons partie d'eux-mêmes, tel qu'inversement Eve était incluse et naissante dans le corps ignorant d'Adam. (Anna de Noailles, "Un souvenir de Marcel Proust", février 1931, repris en annexe p. 213 et suiv.)
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