Grâce à notre amour
je pense moins à la mort
et plus à la vieillesse.
Quelques temps après ma première hospitalisation – il y a quinze ans – j’avais croisé par hasard dans la rue une jeune femme que j’avais connue à l’hôpital.
Au moment où je l’ai croisée, je ne délirais plus mais j’étais très tracassée par le contenu de mon ancien délire et très mortifiée d’avoir été enfermée.
Cette rencontre dans la rue avait été pour moi l’occasion de parler de mon expérience délirante à cette jeune femme, et de lui demander ses impressions sur le délire qu’elle avait traversé de son côté.
Elle avait répondu à mes questions avec beaucoup de réticence et je la sentais gênée d’être amenée sur ce sujet.
Elle m’avait tout de même confié que, dans son expérience, elle avait sauvé le monde et que son délire ressemblait à un film fantastique américain.
Au bout de quelques minutes, elle avait écourté notre entrevue et m’avait dit qu’elle espérait que nous parlerions d’autre chose si nous devions nous recroiser un jour.
Je m’étais aperçue, avec surprise, que le contenu d’un délire était une chose intime et honteuse qu’il fallait garder pour soi.
Pourtant, dans mon idée, cette sorte d’expérience était quelque chose de rare qui pouvait nous apprendre quelque chose sur notre esprit, voire même sur le monde.
Fauré – Quartet n°1 – Allegro (1er mouvement) – 1879
C’est une musique qui allie exaltation et humeur plaintive : on sent un grand chagrin, ou plutôt des envolées successives de chagrin, comme un sanglot qui n’accepte pas de se laisser consoler et qui se force à aller crescendo.
Cette musique possède une grande unité de ton, elle garde son caractère sophistiqué et son raffinement quelles que soient les circonstances.
Quelque chose d’élitiste, de précieux, de hautain, dans ces circonvolutions mélodiques : on sent que ce quartet a pu être joué par des dandys à monocles et des élégantes à éventails, du temps de la Belle Epoque, dans des salons du boulevard Saint-Germain, en revenant d’une promenade en calèche au Bois de Boulogne.
On pense à Proust, on voit des jeunes filles en robes blanches rire sous les tonnelles, observées à distance respectueuse par des hommes du monde neurasthéniques et rongés par des accès de jalousie morose.
Stabat Mater
Pergolesi - 1736
C'est une musique très intériorisée, qui semble imiter avec exactitude le surgissement dans le coeur d'une envie de pleurer, et qui s'introduit en vous par glissements progressifs, et vous fait dériver au gré de ses méandres.
Quand j'écoute ce morceau, je n'ai aucune vision religieuse ou même aucune image visuelle qui s'impose à moi, aussi pourrais-je dire que cette musique est purement idéale, purement musicale.
Les deux voix, de l'alto et de la soprano, se relayent et se mélangent d'une manière infiniment sensuelle, avec des inflexions d'une tendresse presque irréelle.
Alliance d'humanité et de transcendance, de pitié et de vénération, de chair et d'esprit, cette musique nous emplit d'une affliction heureuse.
Bon Matin
Le silence ouvre sur l'esprit,
la lumière de l'aube
donne sur l'espérance,
dans un monde où préscience
et réminiscences
se confondent.
Les arbres dodelinent
et saluent doucement les passants
qui marchent
de leurs anciennes fatigues
vers de nouveaux tourments.
On essaye de s'appuyer
sur l'instant présent
mais on retombe toujours
sur l'intermittence
de son propre pouls.
Depuis que je t'ai rencontré
- depuis que je t'aime -
mes désirs regardent le monde
comme un étrange matou
qu'il ne vaut mieux
pas réveiller.
Pour la Saint-Sylvestre
La forêt a les cheveux blancs,
et de longs bas noirs.
La nuit aux senteurs d’animal aux aguets…
La nuit aux senteurs d’animal aux aguets
– tantôt proie tantôt chasseresse –
la nuit subtilise nos corps
pour mieux illuminer nos rêves.
La nuit au front de taureau,
aux mille banderilles scintillantes,
déploie sa cape aveugle devant nos yeux
pour mieux y planter la dague
des sommeils sans retours.
Dans mon rêve,
à la fois rêveuse et rêvée,
contenu et contenant,
je me transporte toute entière
dans un paysage sans ombre ni soleil.
//Marie-Anne Bruch Les Cahiers du Sens
Selon Beigbeder
l'amour dure trois ans
- grand rire à deux.
Noël au jardin :
les escargots font leur
petit réveillon.
La voix chaleureuse
rit au bout du fil
– erreur de numéro.