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Citation de sld09


sld09
11 septembre 2017
- Vous avez entendu ? Ces maudites bêtes se rapprochent... Hortense, l'épouse de Colin Roy, maître papetier, se signa.
Sa fille Claire et sa nièce Bertille, attablées l'une en face de l'autre, s'immobilisèrent pour guetter le hurlement des loups. Un même frisson les parcourut. Ce n'était pas à cause du courant d'air glacé qui se glissait au ras de la porte... Les appels répétés que lançait la meute tapie dans la nuit les inquiétaient.
- C'est ce froid, aussi ! jura la grande femme debout près de la cheminée. Il gèle depuis deux semaines. Le vent du nord nous attire ces sales bêtes et les fait sortir des bois.
Claire jeta un coup d’œil perplexe à sa mère, Hortense Roy, qui ne bougeait pas. Une ride profonde marquait son front. Cela faisait des années qu'un masque d'austérité attristait un visage qui avait dû être joli. Même son regard clair, d'un gris bleuté, laissait percer une mystérieuse amertume... Sa toilette impeccable, sa coiffe blanchie et amidonnée, son foulard de cou rouge, sa lourde jupe en laine verte, protégée d'un large tablier de toile écrue, accentuaient terriblement ses traits affaissés et son teint blafard.
- Maman, ne te tracasse pas ! Nous n'avons pas de moutons, nous ! dit Claire d'une voix douce. Mes trois chèvres sont bien enfermées, et les murs sont solides, non ? Tes maudits loups n'entreront pas chez nous.
Hortense fit la moue sans même s'apercevoir du ton moqueur de sa fille. Elle se décida à saisir la grosse soupière qu'elle avait maintenue au chaud, sur le coin d'une monumentale cuisinière en fonte. Un délicieux fumet d'ail et de graisse d'oie s'en dégageait. Bertille Roy s'agita dans son fauteuil.- Non, ma tante, ne servez pas. Nous pouvons encore attendre pour dîner. Oncle Colin ne va pas tarder. Il aime tant votre ragoût de haricots, je n'aurais pas le cœur d'en manger sans lui.
- Oh ! Ecoutez ! s'écria Claire bondissant du banc. Des coups de fusil...
- C'est la battue... chuchota Hortense. Il ne manquerait plus qu'il y ait un accident. Quelle idée a eue monsieur Giraud, aussi ! Celui-là, il lui manque deux brebis, et tous les hommes de la vallée doivent partir à la chasse. Un samedi soir en plus. Colin n'a jamais manié une arme, il n'avait pas besoin de suivre ses ouvriers !
Claire retint un sourire. Son père était un doux rêveur, toute son énergie et son habileté s'exerçaient au moulin. L'imaginer traquant des loups, son fusil dans les mains, lui paraissait ridicule. Mais Edouard Giraud, riche fermier qui tenait la vallée sous sa coupe, en avait décidé ainsi. Un de ses valets était venu, en courant, quérir tous les hommes valides du moulin, dont le papetier en personne.
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