Nous nous sommes connus, oui, un peu comme des gouttes d’eau qui roulent sur une feuille avant de fusionner.
Et elle alla d’un chaudron à l’autre, méthodiquement, comme pour trouver dans la mathématique secrète des proportions et des mesures, la réponse au manque d’amour.
Elle cherchait à faire de son corps un instrument. Mièvre et sardonique, elle espérait être ravie, ne fût-ce qu’une seconde, par un homme qui s’acharnerait sur elle pour qu’une à une, dans un effeuillement quasi didactique, se révélassent les parties du tout, dans un élan paroxystique appelé passion.
Elle verrouille la porte, puis va s’étendre sur son futon. Voilà que le Grand Zorg apparaît à nouveau. Elle entend sa voix amène.
— Tu dois combattre le Mal.
Elle décide de répondre. Tant pis si je déraille, se dit-elle.
— Mais le Mal ne nous pousse-t-il pas à faire le bien ?
— Le Mal, c’est la dénaturation.
Elle hésite à poursuivre cette conversation.
— Qu’est-ce que la nature, Grand Zorg ? N’est-ce pas le chaos qu’on ne peut dominer ? dit-elle après un long moment.
— C’est le respect d’une norme.
— La norme est bien relative.
— Elle est pourtant nécessaire. Et les NaZ essaient de détruire le monde tel que nous le connaissons.
— Et si je refuse de me battre ?
— Tu te battras.
Elle regarde le vieil homme à barbe blanche. Elle comprend qu’il ne parlera plus pour le moment.
Elle se lève et va devant son unique miroir, dans la salle de bains. Voilà qu’apparaissent des petits personnages qui entourent son visage. Elle croit ressembler à une vierge médiévale entourée d’angelots.
— Qui êtes-vous ? crie-t-elle.
Il n’y a que le silence.
C’est alors qu’elle ressent une grande lourdeur. Elle va s’étendre. Elle a l’impression d’être prisonnière d’une tornade.
Et elle s’endort la main sur la poitrine.
Le temps domestiqué ne correspond pas à lui-même. Le fil chantant du monde casse quand naît l’heure, quand meurt le hasard. Sur un sourcil de fille, l’avenir repose un moment. Puis tout se défait lorsque sonne minuit.
Avec sa corpulence, Yvette ressemblait à une Marie de Médicis. Ce corps appartenait à l’art : avec une aisance obscène, elle existait, débordant du cadre prescrit.
l faut savoir nier la vie, ma Clara. Car la musique est l’impossible fixation du son sur le néant. Comme le ressac emporte le sable, les mélodies défont l’âme.
Alice se dit que les enfants, les vrais, souffrent d’une admirable cyclothymie. Ils vont dans le bonheur par à-coups, et louvoient autour du malheur.
À sa manière, Michel sait que la vie est théâtre, que le théâtre est un rêve, que le rêve est l’envers de la vie.
Mes lèvres forment des mots que la musique efface. C’est comme si j’embrassais la nuit.