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Citation de Coco574


Camélia agite une fois de plus une languette en papier sur laquelle elle vient de déposer quelques gouttes d’un nouvel accord. Ce n’est pas une commande, mais une recherche qu’elle fait juste pour elle, juste comme ça. Une odeur qui lui trotte dans la tête depuis un moment déjà, qui l’accompagne parfois en journée et vient la cueillir jusque dans ses rêves. Où a-t-elle déjà pu la sentir ? Est-ce un parfum connu ? Non, Camélia pourrait le jurer. Cette senteur est apparue avec le printemps, elle avait donc pensé qu’elle puisait son origine dans l’accord naturel de certaines fleurs qui venaient d’éclore. À cette occasion, elle avait donc entrepris un travail de détective olfactif. Quand bien même elle connaissait toutes les plantes, les fleurs et les arbres de sa propriété, elle était allée tous les renifler. Elle avait poussé l’investigation jusqu’à gratter une écorce, écraser une feuille ou deux, arracher un pétale. Rien. Seulement cet effluve, léger mais tenace, qui flotte encore par instants autour d’elle. Camélia ne met plus de parfum pour ne pas brouiller son odorat, et n’utilise que des produits d’hygiène neutre : cela ne provient pas d’elle, c’est là sa seule certitude. Elle a demandé de l’aide à Arthur, sauf que lui ne sent rien. Peut-être est-ce seulement une odeur qu’elle a en tête et que son inconscient la pousse à recréer, persuadé que ce sera un succès.
Camélia inspire une nouvelle fois la fragrance qui émane de la languette. C’est semblable… tout en étant encore un peu différent. Au moins, elle se rapproche.
Désormais, la lumière inonde le jardin et les cascades bleutées des lobélias profitent d’un agréable bain de soleil : il est bientôt midi, et Camélia a oublié d’appeler son fournisseur. Elle ouvre son carnet qui fait office de répertoire et se charge aussitôt de contacter Benoît, d’Arômonde. Sa commande partira jeudi prochain et la jeune femme pourra bientôt découvrir un nouvel extrait, tiré de la sève d’encens oliban. Un produit d’exception en direct d’une petite coopérative du sultanat d’Oman. Camélia aime les fragrances lourdes, épicées et chaleureuses qu’on ne trouve nulle part ailleurs qu’en Orient. Quand elle les respire, elle a aussitôt l’impression de se retrouver dans un cocon, dans lequel rien ne peut lui arriver. Une odeur qui la transporte dans ses souvenirs les plus douillets et rassurants, comme si elle se retrouvait de nouveau enfant, assise confortablement dans un vieux fauteuil qu’elle a toujours connu, enroulée dans un grand plaid familier. Ai-je de quoi cuisiner un gratin dauphinois pour ce soir ?
— Oh Benoît, pourriez-vous ajouter de la rose de Damas ? Je n’en ai plus.
— Très bien.
— Et j’ai failli oublier : il me faut également du jasmin !
— En arôme ou en absolu ?
— Benoît, êtes-vous sérieux ?
À l’autre bout du téléphone, son fournisseur rit.
— Cela ne coûte rien de demander. Attendez…
Elle entend Benoît pianoter sur son clavier.
— Dans votre fichier, je vois que je vous ai déjà envoyé de l’absolu il y a deux mois, remarque-t-il.
— C’est exact, répond Camélia. Je travaille en ce moment sur un projet qui me tient à cœur et je l’utilise en grandes quantités.
— Et parce que vous êtes mon nez préféré, je ferai en sorte que vous ayez tout ce que vous désirez dans votre colis.
Camélia aime bien Benoît, ancien chef cuisinier ayant laissé couteaux et casseroles sur un coup de tête pour aller chasser les senteurs du monde. Cinq minutes plus tard, après un brin de conversation légère, elle raccroche. Même s’il est presque l’heure d’aller déjeuner, elle essaie de nouveau de contacter monsieur Fontana. Encore une fois, les mêmes sonneries sans que personne ne daigne décrocher. Camélia repose le combiné, dépitée. Son entreprise est encore un bébé qui doit engranger davantage de contrats pour se consolider. Elle pourrait entreprendre des démarches contre ce client, vu qu’il a accepté et signé le devis. Mais ce dossier lui a déjà fait perdre assez de temps, elle ne peut se permettre d’en gaspiller plus en lui courant après. D’autant que, pour cela, elle devrait mettre la main au portefeuille en engageant un avocat et en lançant une procédure. Au moins, je n’avais pas encore trop planché sur son projet…
L’entrepreneuse se lève et étire rapidement ses épaules endolories quand son téléphone sonne.
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