Pour Dieu et pour le roi : douze prélats qui ont marqué l'histoire de France
Marie-Joëlle Guillaume
Éditions Perrin, avril 2019
Remarquée par sa biographie de saint
Vincent de Paul,
Marie-Joëlle Guillaume se penche sur la vie de douze grands prélats, des guerres de religion à la Révolution française. Hommes de foi, hommes d?État : connus ou tombés dans l?oubli, tous furent associés aux grands débats politiques et religieux de leur temps. À travers eux, c?est toute l?histoire de la France moderne que retrace avec talent ce remarquable ouvrage. ©La Procure 2019
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L’élan spirituel – mystique, charitable, missionnaire – qui entraîne les cœurs et les consciences au cours du premier XVIIe siècle n’est pas le produit d’une génération spontanée. Il jaillit du fond du désastre des guerres de Religion, comme une herbe qui ne veut pas mourir. Car c’est pour avoir traversé avec les armes de l’amour cette période de fureur et de violences religieuses que quelques âmes droites et férues de contemplation ont compris qu’il leur revenait, la paix retrouvée, de bâtir avec ces armes-là un monde neuf.
Les « armes de l’amour » ? Rien de sentimental dans cette expression.
Antoine et Marie-Catherine ont eu eux-mêmes dix enfants. Deux seulement, dont notre Pierre, ont laissé leur nom à la postérité. L’aîné, Albert, sera maréchal de France. Proche conseiller de Catherine de Médicis, l’histoire a retenu qu’il eut sa part de responsabilité dans le massacre de la Saint-Barthélemy (1572).
Nanti de nombreuses charges et d’honneurs, lui aussi a fait un beau mariage en épousant Claude-Catherine de Clermont, jeune veuve du baron de Retz, dame de Dampierre et brillante amie des poètes de la Pléiade. Le « salon vert » de la jeune femme, où l’on aime jouer avec les mots, inspirera un jour la célèbre « chambre bleue », le salon littéraire de la marquise de Rambouillet. Il est intéressant de relever ce détail, car le père de Catherine de Rambouillet, Jean de Vivonne, marquis de Saint-Gouard et de Pisani, cousin de la maréchale de Retz, jouera un rôle non négligeable dans notre récit.
Chapitre 1. Cardinal Pierre de Gondi
Dans notre galerie, où voisinent hommes d’État, hommes d’action, noms illustres des Lettres françaises, prédicateurs de race et pasteurs en vue, on ne trouvera pas de saints. Mais on verra de grandes âmes aux prises avec de grands débats. Par leur talent – parfois leur génie –, par leurs failles aussi, ces hommes nous font entrer dans l’alchimie intime du pouvoir et du sacré, du temps et de l’éternité. Qu’ils soient hommes de pouvoir direct, hommes d’influence face au pouvoir royal ou ministres de la parole, tous, quand ils prennent appui sur leur ancrage en Dieu, hissent le roi et le royaume au-dessus des gloires et des limites de l’instant.
Introduction
Au centre de la galerie, trois « monstres sacrés » ! Richelieu (1585-1642), Bossuet (1627-1704), Fénelon (1651-1715) ne sont apparemment plus à présenter. Pourtant, on a trop souvent d’eux une image stéréotypée, figée, que nous nous sommes fait une joie de bousculer un peu. Car chacun selon leur charisme propre, ces très grands hommes de l’histoire politique, spirituelle, intellectuelle de la France ont infléchi le destin de notre pays. Sans eux, ni Louis XIII, ni surtout Louis XIV ensuite n’auraient pu donner à l’époque cet éclat particulier – de l’âme autant que de l’intelligence – qui l’a fait nommer le Grand Siècle. Richelieu entendait agir à la fois pour le règne de Dieu, la gloire du roi et l’avantage de l’État. Bossuet témoigna toute sa vie d’une fidélité passionnée à la monarchie catholique classique. Quant à Fénelon, âme frémissante, esprit paradoxal, il ne voulait servir, entre mystique, critique et pédagogie, qu’une monarchie idéalisée. À eux trois, dans leur diversité, ces prélats symbolisent avec un éclat inégalé l’antique alliance du Trône et de l’Autel.
Introduction
« Il faut savoir fleurir où Dieu nous a semés. » Vincent est comme semé une seconde fois quand il fait son entrée en 1613 au château de Montmirail-en-Brie, dans la famille de Gondi.
L'époque était mouvante, et les lendemains jamais sûrs. L'agitation de quelques Grands, emmenés par Henri de Condé, valut à ce prince trois ans d'arrêt, à la Bastille puis à Vincennes. Charlotte avait tenu alors - bravade ou sens exalté du devoir ? - à le rejoindre en sa prison et elle était en train d' y laisser sa santé, les murs insalubres de Vincennes valant leur pesant d'arsenic.
Du règne d’Henri IV à celui de Louis XVI, cette période que les historiens appellent l’Ancien Régime n’est guère compréhensible pour qui ne prend pas en compte les interactions entre le roi de France et le premier ordre du royaume. (...)
Il nous est bien difficile aujourd’hui d’entrer dans la logique subtile de ce monde enfui. C’est pourtant cette logique qui peut nous permettre de « décoder » les relations tantôt tumultueuses, tantôt ambiguës, parfois même à fronts renversés de Louis XIV et de la papauté.
Introduction
L’alliance à la fois intime et publique qui unit le Trône et l’Autel au long des siècles de l’ancienne France est une des clés de compréhension de notre histoire. Les amoureux du patrimoine le savent, les chrétiens cultivés ne l’ont pas oublié, mais le grand public l’ignore largement. Ce long compagnonnage qui, depuis Clovis et saint Remi au Ve siècle, a vu le royaume de France cheminer durant mille trois cents ans main dans la main avec l’Église a enfanté une civilisation.
Introduction
Rémy Montagne n’a jamais douté de la capacité de l’église catholique à bouleverser, par son message d’amour et sa doctrine sociale, les structures d’un pays et le visage du monde.
À tous égards Gondi est un commencement. (...)
Par son action sous le dernier Valois, et surtout par son soutien courageux et efficace à Henri IV, Pierre de Gondi, créé cardinal par le pape Sixte Quint en décembre 1587, compte parmi les hommes qui ont permis une réconciliation politique, dans un royaume de France déchiré par la violence des guerres de Religion.
Chapitre 1. Cardinal Pierre de Gondi