Derrière cet affolement du sang évoqué par le titre, il faut entendre une polyglobulie, une maladie du sang que la poète ne nomme jamais, préférant une mention ironique du patronyme d’Henri Vaquez, le médecin qui décrivit pour la première fois cette maladie rare (mais non orpheline, comme il est parfois dit à tort). Quant aux encres d’André Guenoun qui accompagnent le livre, elles sont en parfaite résonance avec le poème. En jouant des vertus liquides de l’encre, entre transparence et opacité, ce plasticien sait rendre un univers organique proche de celui de Marie-Josée Christien.
Comment inventer une langue qui dise la maladie quand celle-ci est pour beaucoup synonyme de mort ? Une langue qui parle à ceux qui ont connu cette expérience comme à ceux qui ne l’ont pas vécue. Nombreux sont les écrivains et les poètes, de Claude Roy à Georges Perros, qui ont confronté leur écriture à la maladie et à la hantise de la mort. L’écriture de Marie-Josée Christien est celle du lyrisme vibrant, grave, d’une lucidité aussi évidente que sa détresse.
Le recueil se présente en trois parties, « Poème absent », « Affolement du sang » qui donne son nom à l’ensemble, et « À la lueur du poème ».
La première partie est empreinte d’une tonalité sombre, on imagine l’annonce de la maladie, la pénible attente. Le choc émotif, intense, s’éprouve dans le silence qui s’entend à chaque page et a quelque chose de médusant. Pour la poète, c’est l’heure crépusculaire ou nocturne avec son lot d’insomnies qui exprime le mieux ce qu’elle ressent. Repris en leitmotiv, le mot désespoir est à la mesure de la violence de l’épreuve. Les vers semblent martelés, énoncés presque souffle coupé[...]
La dernière partie « À la lueur du poème » entrouvre un peu de lumière et d’espoir. Écrire, c’est reprendre le dessus, redevenir le sujet d’une vie où toute la place n’est plus prise par le mal. La poète se tourne vers le cercle des amis convoqués dans les dédicaces. Quelques pensées lumineuses irriguent ces pages. Le regard a changé. Des mots tels rêve, espoir, force d’appui, chant d’amour, tendresse semblent pouvoir se décliner à nouveau.
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