Marie-Laure Bardèche

On sait que l’autobiographie est un mode de connaissance de soi, comme le rappelle Ricœur : Le soi de la connaissance de soi est le fruit d’une vie examinée, selon le mot de Socrate dans l’Apologie. Or, une vie examinée est, pour une large part, une vie épurée, clarifiée par les effets cathartiques des récits tant historiques que fictifs véhiculés par notre culture. L’ipséité est ainsi celle d’un soi instruit par les œuvres de la culture qu’il s’est appliquées à lui-même.(...)La répétition signale et autorise cette recherche de soi. Ricœur nous invite à ne pas la réduire à une quête purement narcissique et égoïste, minée par l’hypocrisie et la naïveté, signe d’un « archaïsme infantile et névrotique ». Manifestes dans les œuvres de Ponge, cette pulsion autobiographique et cette distanciation systématique se traduisent par exemple par la datation des différentes esquisses et par le délai parfois considérable apporté à leur publication.

À cette « saleté » de la parole l’auteur oppose la « pratique de la littérature » : Mon goût pour l’écriture, c’est souvent, rentrant chez moi après une conversation où j’avais eu l’impression de prendre de vieux vêtements, de vieilles chemises dans une malle pour les mettre dans une autre malle, tout ça au grenier, vous savez, et beaucoup de poussière, beaucoup de saleté, un peu transpirant et sale, mal dans ma peau. Je vois la page blanche et je me dis : « Avec un peu d’attention, je peux, peut-être, écrire quelque chose de propre, de net ». N’est-ce pas, c’est souvent la raison, peut-être une des principales raisons d’écrire. (1961 b : 266)

Les répétitions les plus plates, les plus monotones, contiennent cet élément de différence qui les rend toutes nécessaires : aucune n’est à supprimer, chacune contribue à la résonance de toutes les autres. On essaiera donc d’appréhender la relation particulière qui se noue, au cœur de la répétition, entre la reprise de l’identique et la différence : de quelle façon le même et l’autre peuvent-ils entretenir un lien permanent et coexister au sein d’un processus complexe, fondé sur la réunion de deux mouvements contraires ?