Marie-Madeleine Davy

J'aimais cette grande dame, à la voix incroyablement rauque et profonde, qui ignorait les faux-fuyants et allait toujours au coeur des choses et des êtres. Sa vive conscience n'était jamais, sous des dehors bourrus, dénuée de tendresse.
Elle qui disait que pas un souci ou un moment de tristesse dans sa vie, même aux heures les plus noires, n'avait jamais résisté à la lecture de maître Eckhart, Philon d'Alexandrie et les grands mystiques des IVe, VIIe siècles tels les Pères du désert, Maxime le Confesseur, Bernard de Clairvaux, elle nous a conseillé des années durant dans la rubrique qu'elle tenait en fin de chaque parution de Question de, les ouvrages qu'elle jugeait dignes d'être lus parmi les parutions récentes. Même si ce choix était un peu austère, nous le respections car la grande qualité était au rendez-vous : elle nous faisait ainsi partager son goût pour l'approfondissement, encore et toujours. elle aimait les livres, la nature, les oiseaux et les gens bipède qu'elle trouvait bien agitée : son seul souhait était que l'être humain trouve en lui-même cette quiétude qui est la porte de ce Royaume qui serait au-dedans de nous. Amis des mystères divins, c'était à la fois une femme d'action, de réflexion et de sagesse. Détachée d'elle-même et vivant dans une grande expérience spirituelle, tout en restant proche, elle voyait les choses du tréfonds de l'âme. "Je n'aime pas les frontières et le dedans est illimité", nous disait-elle à quatre-vingt ans passés.

Marc de Smedt
Editorial