Dans la lumière froide de ce matin d'avril, réfractée par la neige, la douille d'obus qu'il tient entre ses longs doigts calleux brille comme de l'or bruni. Déformée par les coups de burin, elle devient calice, se parant d'un trèfle à quatre feuilles.
Antoine libère son souffle dans l'air glacé, satisfait du résultat. Au fur et à mesure qu'il transforme la matière, les turbulences de son esprit s'apaisent. La peur, la violence, la crasse se dissipent dans l'atmosphère comme un fluide malfaisant.
En caressant les fougères de ses doigts impatients, Antoine Lefresne observe les chauves-souris qui volent au-dessus de sa tête. Il n'a que neuf ans, mais déjà, comme elles, la nuit est son domaine. C'est là qu'il se sent en sécurité quand son père dort assommé par l'alcool.
Antoine aime Michel comme son frère. Il s'en émerveille souvent mais ne sait pas lui dire. Les mots sont trop petits. Alors il se tait.