Je crains que la logique de victimisation n'entretienne plus qu'elle ne dissipe le ressentiment, facteur d'hostilité. Est ce en se remémorant les drames passés que l'on sortira des représentations du colonialisme ? Comment réparer les souffrances ?
Comment réparer les souffrances de l'esclavage ? Comment réparer le génocide des Indiens d'Amérique ou celui de la Shoah ? Rétablir l'état d'avant ? Faire table rase de l'histoire ? Cela n'a pas de sens. On peut œuvrer pour plus de justice avec les héritiers de ces peuples martyrs mais on ne peut pas faire justice de crimes de cette ampleur. La revendication doit se déclamer dans le futur et non pas au passé car cela peut revêtir des tournures morbides. Ce n'est pas dans le ressassement que l'on peut espérer transformer une mémoire malheureuse en un espoir de bonheur.
Je partage avec beaucoup de personnes de mon âge cette quête qui consiste à essayer de savoir d'où l'on vient quand l'avenir se rétrécit. Cette nécessité de se confronter avec son adolescence avant d'aller vers la mort.
Gouverner, c'est aussi supporter les révélations, les contradictions et les oppositions sans les mépriser, ce que n'a pas su ou voulu faire de Gaule en l'occurrence.
Pierre Sudreau et Robert Buron, rapporte mon père, se sont inquiétés de la brutalité de la répression et ont évoqué la concordance des points de vue de la presse à cet égard, qu'il s'agisse de l'Express ou du Parisien Libéré, ce à quoi le Général leur fait observer que cette concordance est beaucoup moins due aux faits qu'au désir de ces organes de le viser lui. « Ils n'ont en réalité, croyez-moi, qu'une seule cible », dit-il.
Le Général de Gaulle doute des faits qui sont exposés dans la presse. C'est ce qu'il dit. À plusieurs reprises, d'ailleurs, dans les notes et dans le journal de mon père, de Gaulle parle d'affabulations de la presse destinées à contrecarrer les objectifs de sa politique et à dresser l'opinion contre lui.