Je le regarde et tout à coup, ce homme qui est le plus grand écrivain d'Afrique du Nord, se réduit à un être menu et les mains vides dans ce grand fauteuil de jardin, faisant le constat du néant de son oeuvre. On lui avait remis un maigre chèque pour droits d'auteur. C'est tout.
Il y a le mythe de Kateb Yacine et derrière, un homme ligoté qui paie de sa personne et n'est pas même payé du prix des livres en retour.
Je suis bouleversée :
-Tu parles de la France, mais en Algérie, Yacine, en Algérie, on te lit ?
- En Algérie oui, on me lit davantage. Mais l'argent algérien, que puis-je en faire ? En Algérie, si je veux je suis riche, oui,mais en me vendant au pouvoir ?
À propos des enfants:
M.D. à S.F. : Tu ne te rends pas compte que les femmes ont en tout vingt ans de leur vie pour faire des enfants.
S.F. : Mais tu ne te rends pas compte, Marguerite, que les hommes ne peuvent pas en faire du tout... [Rires.]
Nous devinons ainsi à travers ces pages la solitude qu'a pu connaître Kateb en certaines périodes de sa vie. Solitude dont l'entoure le pouvoir en place en raison de sa voix rebelle, mais aussi solitude troublée par la boisson, l'herbe, ou par cette voix ancienne qu'il n'entend plus qui ne le visite plus. A défaut d'écriture, dit-il , il ne me reste que la parole.
M.D., c'est vraiment une personne rare, fascinante. Comme metteur en scène, comme femme. Elle est envoûtante. Quand on assiste à une répétition, on n'a plus envie d'en bouger. On écoute, on boit chaque parole, on ne peut plus se détacher. Alors on entre dans le jeu, on accepte tous ses changements.
Le grand apport de l'œuvre de Marguerite Duras réside en partie dans le fait qu'elle ne vise jamais à saisir le réel mais à dévoiler tout le mystère qu'il recèle.