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Citation de Lyjazz


Revenons à la littérature. Le paradis de l’enfance n’est pas pour moi un mythe
littéraire, mais une réalité que j’ai vécue et dont j’ai joui dans la grande maison
familiale aux trois patios, à Cochabamba, où, avec mes cousines et mes camarades de
classe, l’on pouvait mimer les histoires de Tarzan et de Salgari, et à la préfecture de
Piura, sous les poutres de laquelle nichaient les chauves-souris, ombres silencieuses qui
peuplaient de mystère les nuits étoilées de cette terre chaude. Ces années-là, écrire était
un jeu auquel ma famille applaudissait, une grâce pour laquelle on m’acclamait, moi, le
petit-fils, le neveu, le fils sans père, parce que mon père était mort et se trouvait au ciel.
C’était un monsieur de haute taille et joli garçon, en uniforme de marin, dont la photo
trônait sur ma table de chevet et qu’après avoir fait mes prières j’embrassais avant de
m’endormir. Un matin à Piura, dont je crois ne m’être jamais remis, ma mère me révéla
que ce monsieur, en vérité, était vivant. Et que ce même jour nous irions vivre avec lui à
Lima. J’avais onze ans et, dès lors, tout changea. Je perdis mon innocence et découvris
la solitude, l’autorité, la vie adulte et la peur. Mon salut fut de lire, lire les bons livres,
me réfugier dans ces mondes où vivre était exaltant, intense, une aventure après l’autre,
où je pouvais me sentir libre et être à nouveau heureux. Et d’écrire, en cachette, comme
quelqu’un qui se livre à un vice inavouable, à une passion interdite. La littérature cessa
d’être un jeu, pour devenir une façon de résister à l’adversité, de protester, de me
révolter, d’échapper à l’intolérable : ma raison de vivre. Dès lors et jusqu’à présent,
dans toutes les circonstances où je me suis senti abattu ou meurtri et au bord du
désespoir, me livrer corps et âme à mon travail de fabulateur a été la lumière qui signale
la sortie du tunnel, la planche de salut qui porte le naufragé jusqu’au rivage.
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