Il ne me paraît pas possible qu'on puisse avoir l'esprit tout à fait commun, si l'on fut élevé sur les quais de Paris, en face du Louvre et des Tuileries, près du palais Mazarin, devant la glorieuse rivière de Seine, qui coule entre les tours, les tourelles et les flèches du vieux Paris. Là, de la rue Guénégaud à la rue du Bac, les boutiques des libraires, des antiquaires et des marchands d'estampes étalent à profusion les plus belles formes de l'art et les plus curieux témoignages du passé. Chaque vitrine est, dans sa grâce bizarre et son pêle-mêle amusant, une séduction pour les yeux et pour l'esprit. Le passant qui sait voir en emporte toujours quelque idée, comme l'oiseau s'envole avec une paille pour son nid.
Puisqu'il y a là des arbres avec des livres, et que des femmes y passent, c'est le plus beau lieu du monde. (p. 16)
@Anatole France, Le livre de mon ami, 1885