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Citation de enkidu_


La dévastation du langage qui s’ étend partout et avec rapidité ne tient pas seulement à la responsabilité d’ordre esthétique et moral qu’ on assume en chacun dés usages qu' on fait de la parole. Elle provient d’une mise en danger de l’essence de l’homme. Le soin attentif qu’on peut montrer dans l’utilisa­tion du langage ne prouve pas encore que nous ayons échappé à ce danger essentiel. Il pourrait même être aujourd’hui le signe que nous rie voyons pas du tout ce danger et ne pouvons le voir, parce que nous ne nous sommes jamais encore exposés à son éclat.

La décadence du langage, dont on parle beaucoup depuis peu, et bien tardivement, n’est toutefois pas la raison, mais déjà une conséquence du processus selon lequel le langage, sous l’emprise de la métaphysique moderne de la subjectivité, sort presque irrésistiblement de son élément. Le langage nous refuse encore son essence, à savoir qu’il est la maison de la vérité de l’Être. Le langage se livre bien plutôt à notre pur vouloir et à notre activité comme un instrument de domination sur l’ étant. Celui-ci apparaît lui-même comme le réel dans le tissu des causes et des effets.

Nous abordons l’étant conçu comme le réel par lé biais du calcul et de l’action, mais aussi par celui d’une science et d’une philosophie qui procèdent par explications et motivations. Sans doute maintient-on que ces dernières laissent une part d’inexplicable. Et l’on croit, avec dé tels énoncés, être en présence du mystère. Comme s’il se pouvait que la vérité de l’Être se laisse jamais situer sur le plan des causes et des raisons explicatives ou, ce qui revient au même, sur celui de sa propre insaisissabilité.

Mais, si l’homme doit un jour parvenir à la proximité de l’Être, il lui faut d’abord apprendre à exister dans ce qui n’a pas de nom. Il doit savoir reconnaître aussi bien la .tentation de la publicité que l’impuissance de l’existence privée. Avant de proférer une parole, l’homme doit d’abord se laisser à nouveau revendiquer par l’Être et prévenir par lui du danger de n’avoir, sous cette revendication, que peu ou rarement quelque chose à dire. C’est alors seulement qu’est restituée à la parole la richesse inestimable de son essence et à l’homme l’abri pour habiter dans la vérité de l’Être. (pp. 73-75)
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