Autrefois, dès que la fonte des neiges était achevée et que les premiers soubresauts du printemps recouvraient les versants de la montagne de petites fleurs multicolores, il prenait son bâton et sa besace et grimpait dans l'alpage avec les bêtes que plusieurs propriétaires confiaient à sa garde. C'est toujours avec nostalgie qu'il pensait à l'air encore frais et incisif des premières semaines d'estive, aux teintes changeantes de la roche et de la végétation, aux bruits et aux odeurs de cette nature écrasante dont il se sentait le maître et qui pourtant allait bientôt le trahir.