L’âme humaine est un désert aride où se dessèchent les sentiments. C’est ainsi qu’elle ne connaissait pas le remords.
Elle vivait désormais aux côtés de celui qui l’avait choisie et qu’elle avait reconnu. Il lui insufflait la belle énergie qui lui avait si longtemps fait défaut. Le monde leur appartenait.
Dix messages, juste dix, pas un de plus, pas un de moins, adressés à Barbara Fields entre le 23 décembre 1984 et le 05 mars 1985.
Neuf enveloppes, une manquante. Adresses et textes, tous tapés à la machine, sans ponctuation et avec la même faute de frappe sur les accents.
Un seul intitulé, une seule formule d'introduction, une seule signature en gros caractères.
Melinda reste un instant figée sur place puis elle cherche où se poser dans ce capharnaüm qui sent le vieux, la poussière, mais pas vraiment le moisi : il fait au bas mot 40° sous le toit de tôle en ce dimanche 16 décembre. Elle finit par repérer un fauteuil bancal, à moitié défoncé, et s'assied prudemment juste au bord. Elle a entre les mains une série de messages adressés à sa mère, juste avant que celle-ci ne reparte en France au mois de mars 1985 et n'en revienne jamais...
L’âme humaine recèle des zones d’ombre si impénétrables qu’on ne saurait percer à jour leurs terribles secrets.
Melinda monte les quatre marches qui conduisent à la maison. Dans le salon, son père somnole dans son rocking-chair. Elle le regarde avec une grande tendresse. À soixante-douze ans, il a conservé, malgré quelques rondeurs, sa stature d'athlète et les mains puissantes qui la rassuraient quand elle était petite. Une abondante chevelure argentée encadre un visage aux contours affaissés par l’âge, et surtout par l'alcool. Melinda se désole que la sympathie naturelle qui s’en dégageait se soit muée en une palpable indifférence à l’égard de tout et de tous.
Il en faut beaucoup plus pour déstabiliser Melinda ; elle commence à avoir l’habitude d’être mal accueillie par des flics qui voient d’un sale œil une étrangère entreprendre une enquête dans leur pays.
Melinda est venue passer le week-end chez son père, Peter Fields, pour tenter de faire un tri dans tout le bric-à-brac entassé depuis des années dans ce garage. Tout ce qui s'y trouve, hormis la vieille Bentley, a appartenu à Barbara, sa mère, et son père n'a jamais voulu y toucher.
Ce tri nécessaire est pour elle une torture. À presque trente-sept ans, la blessure n'est pas refermée et la douleur encore vive.
Elle avait à peine dix ans quand sa mère adorée était partie pour Lyon, appelée au chevet de son père mourant qui la réclamait. À Lyon où elle n'était jamais arrivée.
Et aujourd'hui qu’elle veut repartir du bon pied en chassant les vieux démons du passé, un foutu hasard lui livre ces feuillets jaunis, classés par dates, tous postés de Paris... Elle vient de les découvrir sous une pile de pulls, au fond d'un tiroir de la commode qu'elle est en train de vider dans l'intention de la restaurer.
Melinda tourne et retourne les bouts de papier auxquels elle ne comprend rien. Qui était ce Gaby ? Que voulait-il ? Son instinct de flic la persuade qu'il y avait là une lourde menace que sa mère avait ressentie tout comme elle.
Elle étouffe bien que vêtue d'un simple short et d'une tunique légère grise à pois blancs, ses cheveux blonds relevés en queue de cheval. Elle sort en hâte de la fournaise après avoir glissé les messages à l'intérieur d'une veste en cachemire gris que Babe - c'est ainsi que son mari l'appelait - affectionnait particulièrement. Une fois à l'air libre, elle se sent un peu moins oppressée malgré le spectacle désolant qui s'offre à sa vue : dans le jardin, tout est calciné par l'ardent soleil d’été. Son père n’arrose jamais, trop occupé à boire des bières à longueur de journée !
Il entrouvre ses yeux très bleus lorsqu'il l'entend traverser la pièce. Elle s'affaire dans la cuisine ; elle a rempli le frigo la veille. Son père se nourrissant n'importe comment, elle s'astreint à parcourir les 374 kms qui séparent Melbourne de Nhill au moins une fois par mois pour qu'il mange de temps en temps des produits frais, des légumes et des fruits.
Elle fait griller deux steaks de kangourou qu'elle sert accompagnés d'une salade de tomates. Pour le dessert, elle a acheté la glace à l'eucalyptus dont il raffole.
Elle l'appelle et il se lève péniblement. À table, il semble retrouver un brin de vitalité et lui pose quelques questions sur ses enquêtes en cours. Elle se prête volontiers au jeu (...)
Il entrouvre ses yeux très bleus lorsqu'il l'entend traverser la pièce. Elle s'affaire dans la cuisine ; elle a rempli le frigo la veille. Son père se nourrissant n'importe comment, elle s'astreint à parcourir les 374 kms qui séparent Melbourne de Nhill au moins une fois par mois pour qu'il mange de temps en temps des produits frais, des légumes et des fruits.
Elle fait griller deux steaks de kangourou qu'elle sert accompagnés d'une salade de tomates. Pour le dessert, elle a acheté la glace à l'eucalyptus dont il raffole.
Elle l'appelle et il se lève péniblement. À table, il semble retrouver un brin de vitalité et lui pose quelques questions sur ses enquêtes en cours. Elle se prête volontiers au jeu