Il faut prononcer : BRÉ – DE – NE.
C’était, à l’époque, un bel endroit de la côte belge, le seul encore sauvage, à l’état naturel, des kilomètres de sable et de mer. Les dunes y formaient un monticule protecteur. Ici pas de front de mer, pas de bétonnage, pas d’agitations citadines. Juste la nature pure et rétive.
Une passerelle piétonne enjambait la route côtière et se prolongeait par un sentier creusé dans les dunes. Ce long couloir vers la mer était garni d’oyats, d’élymes des sables et de panicauts maritimes. Un chemin que Piet empruntait depuis l’enfance et chaque année, les mêmes sensations le gagnaient, une excitation teintée de réjouissances et d’appréhensions. Ses vacances à Bredene avaient toujours été pour lui une jonction entre deux mondes, le passage d’un horizon à un autre. Quand Piet quittait la passerelle, progressivement le vent venait le chercher, tourbillonnait, dansait, virevoltait et finissait toujours par l’enlacer. Piet progressait en toutes circonstances, quels que soient les obstacles, météo ou vacanciers, pour atteindre triomphalement le promontoire. Là, l’immensité de la mer l’aspirait tout entier. Il était happé, absorbé par l’horizon bleu. Piet ouvrait grand la bouche et l’air iodé s’engouffrait dans ses poumons pour le propulser aussi vite un mètre en arrière. Il ressemblait au bonhomme de ce jouet ancien qui défie les lois de l’équilibre grâce à ses balanciers. Piet vacillait mais restait debout. Le vent était vaincu. Alors, il hurlait de bonheur mais ses cris étaient aussitôt avalés par les éléments. Le vent était à nouveau vainqueur. Ce vent fidèle, impétueux, agaçant, envahissant restait à jamais le roi de la Mer du Nord. Il fallait l’écouter, comme disait Brel, celui de l’est, l’écouter tenir, celui d’ouest, l’écouter vouloir, celui du nord l’écouter craquer et enfin celui du sud l’écouter chanter*.
Bredene, c’était tout cela à la fois. La mer et le vent qui n’appartenaient à personne et une terre asséchée qui était celle de ses ancêtres. Cela avait été une certitude, du moins pendant un temps.
* Le plat pays. Jacques Brel. 1962. © Fondation Jacques Brel.