Je m'approche de mon mari, je suis juste derrière lui, mon souffle dans son cou, l'idée m'effleure de le pousser. Est-ce que j'aurais la force de le faire passer par-dessus la barre d'appui ? Et s'il s'accroche à la balustrade, serais-je capable d'appuyer sur ses doigts pour qu'il tombe dans le vide ? Je sais que oui. Aucune lumière en face, aucun vis-à-vis compromettant, aucun voisin sorti promener son chien tardivement. Je sais que je ne risque rien. C'est à moi qu'appartient la décision : est-ce que mon mari mérite de vivre ? Je n'ai aucun mal à l'imaginer inconscient sur le sol, le crâne fracassé, le sang inondant son cerveau. J'ai encore moins de mal à m'imaginer en veuve inconsolable (le noir va bien aux blondes) – cette femme qui avait tout pour être heureuse, et dont un stupide accident a changé le cours de l'existence. J'hésite, renonce et recule. C'est sûrement une vengeance disproportionnée pour le punir de m'imposer de dormir les volets fermés.