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Citation de migdal


Les équipages de ces bateaux ? des «durs», s'il en fut jamais, de rudes pêcheurs boulonnais ou flamands qui connaissent les bancs comme le fond de leur poche, se jouent de la mer et voient à travers la brume ; des hommes costauds, à la figure haute en couleurs, à la crinière embroussaillée ; la tête chaude mais le cœur généreux ; parmi eux, quelques artisans, vite assimilés, quelques citadins, vite amarinés.

Bien sûr, ces gars-là n'avaient pas l'attitude militaire des équipages de l'active : leur col bleu (ils n'en avaient qu'un) ils le réservaient pour les inspections et les sorties à terre (gare aux patrouilles !) A bord, ils étaient vètus comme des gueux de la mer, et les barbes de huit jours donnaient aux plus raffinés visage de forban.

Il s'agissait bien de toilette quand ils bourlinguaient dans le Pas-de-Calais et dans la mer du Nord, à l'affût du sous-marin, ou quand ils draguaient les chenaux truffés de mines.

Alors le pont était balayé par la houle, la passerelle transformée en grotte polaire par un froid qui, cet hiver-là, refoula le mercure jusqu'au fond des thermomètres, à des tas de degrés en-dessous de je ne sais quel zéro. A terre ils allaient le plus souvent au bistrot... vieille habitude, inhérente au métier : combien, parmi les buveurs d'eau, se sont fait rincer la gueule par la mer ?

Même pendant les bombardements, ces gars allaient se réconforter dans des débits au nom pittoresque ou prestigieux : « A l'abri de la tempête, A mon sourire. Aux fusiliers-marins. Au cap Horn », dans lesquels régnait une odeur qui tenait de la saumure et du schiedam, et qu'éclairait souvent un joli sourire.

Le patron se hâtait de servir avant de faire descendre tout le monde dans les caves ; la patronne avait des tendresses de mère ; quant à sa fille, elle entretenait la petite fleur bleue qui est au cœur de tout marin.

L'Histoire saura-t-elle jamais le nom de cette gamine de seize ans qui, malgré les bombes, se rendait chaque matin au débit paternel à moitié démoli ? Comme on lui représentait le danger couru : « Et qui donc servirait les marins ? » Ils en avaient besoin, les pauvres bougres !

Les commandants des patrouilleurs, officiers de réserve provenant généralement de la marine marchande, fermaient les yeux sur certains écarts, sachant qu'au moment du coup dur, ils retrouveraient leurs hommes « gonflés à bloc ».
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