AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de enzo92320


[ Découverte progressive de la vue chez les aveugles-nés opérés de la cataracte ]

C’est là ce qui demeure vrai dans les fameuses descriptions empiristes d’une perception non spatiale. L’expérience des aveugles-nés opérés de la cataracte n’a jamais prouvé et ne saurait jamais prouver que l’espace commence pour eux avec la vision. Mais le malade ne cesse de s’émerveiller de cet espace visuel auquel il vient d’accéder, et en regard duquel l’expérience tactile lui paraît si pauvre qu’il avouerait volontiers n’avoir jamais eu l’expérience de l’espace avant l’opération. L’étonnement du malade, ses hésitations dans le nouveau monde visuel où il entre montrent que le toucher n’est pas spatial comme la vision. « Après l’opération, dit-on, la forme telle qu’elle est donnée par la vue est pour les malades quelque chose d’absolument neuf qu’ils ne mettent pas en rapport avec leur expérience tactile », « le malade affirme qu’il voit mais ne sait pas ce qu’il voit (...). Jamais il ne reconnaît sa main comme telle, il ne parle que d’une tache blanche en mouvement ». Pour distinguer un rond d’un rectangle par la vue, il lui faut suivre des yeux le bord de la figure, comme il le ferait avec la main et il tend toujours à saisir les objets que l’on présente à son regard. Que conclure de là ? que l’expérience tactile ne prépare pas à la perception de l’espace ? Mais si elle n’était pas du tout spatiale, le sujet tendrait-il la main vers l’objet qu’on lui montre ? Ce geste suppose que le toucher s’ouvre sur un milieu au moins analogue à celui des données visuelles. Les faits montrent surtout que la vision n’est rien sans un certain usage du regard. Les malades « voient d’abord les couleurs comme nous sentons une odeur : elle nous baigne, elle agit sur nous, sans cependant remplir une forme déterminée d’une étendue déterminée ». Tout est d’abord mêlé et tout paraît en mouvement. La ségrégation des surfaces colorées, l’appréhension correcte du mouvement ne viennent que plus tard, quand le sujet a compris « ce que c’est que voir », c’est-à-dire quand il dirige et promène son regard comme un regard, et non plus comme une main. Cela prouve que chaque organe des sens interroge l’objet à sa manière, qu’il est l’agent d’un certain type de synthèse, mais, à moins de réserver par définition nominale le mot d’espace pour désigner la synthèse visuelle, on ne peut pas refuser au toucher la spatialité au sens de saisie des coexistences. Le fait même que la vision véritable se prépare au cours d’une phase de transition et par une sorte de toucher avec les yeux ne se comprendrait pas s’il n’y avait un champ tactile quasi spatial, où les premières perceptions visuelles puissent s’insérer. La vue ne communiquerait jamais directement avec le toucher comme elle le fait chez l’adulte normal si le toucher, même artificiellement isolé, n’était organisé de manière à rendre possibles les coexistences.
Commenter  J’apprécie          10





Ont apprécié cette citation (1)voir plus




{* *}